L’histoire des neurosciences à Québec

André Parent

André Parent

Cinquante ans de recherche sur le cerveau et ses maladies

Par: André Parent

Professeur au Département de psychiatrie et de neurosciences, Faculté de médecine, Université Laval, et

Chercheur au Centre de recherche CERVO, Institut universitaire de santé mentale de Québec

 

Avant-propos

Le texte qui suit relate la genèse et l’évolution du secteur de la recherche en neurosciences à Québec. Il couvre essentiellement la période allant de 1967 à 2017, soit celle ou l’auteur du texte a été un témoin direct de cette histoire fascinante.

C’est à l’occasion du 30e anniversaire de la création du centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec – une entité qui a mainte fois changé de nom et à laquelle on réfère maintenant sous l’appellation « Centre de recherche CERVO » – qu’on m’a demandé d’écrire une brève histoire relatant le développement du secteur des neurosciences dans la grande région de Québec. À titre de chercheur senior et de témoin privilégié de cette fabuleuse odyssée, j’ai trouvé la demande justifiée. En revanche, ayant moi-même participé à cette histoire, du moins dans une certaine mesure, mon récit ne pourra offrir qu’une vision tronquée, personnelle et partiale des cinquante dernières années de la recherche en neuroscience à Québec. En effet, malgré mes efforts pour offrir une perspective complète et objective, l’histoire que je vais raconter sera forcément teintée de mes propres expériences et risque d’être amputée de certains évènements ou personnages que d’autres pourraient trouver importants.

Le domaine de la recherche clinique en neurologie, neurochirurgie et neuropathologie n’est abordé ici que par le biais de l’apport de ces disciplines au développement des neurosciences fondamentales. Je laisse à d’autres, plus érudits et plus familiers que moi avec ce sujet, le soin d’écrire l’histoire des sciences neurologiques à Québec. Il s’agit d’une aventure toute aussi fascinante que celles des neurosciences fondamentales et qui mériterait d’être mise en exergue au profit du public en général, mais surtout des étudiants intéressés par les sciences du cerveau. Que dire de la très riche histoire de la psychiatrie à Québec auquel le texte qui suit ne fait nullement allusion. Bien qu’il existe d’excellents ouvrages relatant le développement des institutions psychiatriques québécoises et l’évolution de leur structure organisationnelle, nous attendons toujours une histoire détaillée de la médicalisation et de la recherche en psychiatrie à Québec.

Le document que je présente ici émerge essentiellement de ce que j’ai vécu dans le milieu des neurosciences québécoises au cours du dernier demi-siècle. Ma mémoire n’étant plus se quelle était lors de mon arrivée à Québec en 1967, je suis parfaitement conscient que le texte qui suit pourrait contenir certaines inexactitudes et ce qui a trait aux dates, aux personnages et aux lieux où se sont déroulés les événements dont je vais vous faire part. J’ai peut-être aussi, par endroit, sous-estimé la contribution de certains individus ou mal interprété leurs motivations profondes. Ce sont là mes erreurs et je les assume pleinement, tout en m’excusant à l’avance auprès de celles et ceux que ces inexactitudes pourraient gêner.

 

André Parent

Octobre 2017.


Chapitre 1: La Préhistoire (1955-1965)

La recherche en neurosciences au début des années 1960 dans le réseau de l’Université Laval était on ne peut plus embryonnaire. À ma connaissance, les travaux dans cette discipline se limitaient à ceux de Guy Lamarche, Maurice Héon, Jean-Marie Langlois et Enrique Ramón-Moliner († 1999).

Médecin diplômé de l’Université Laval, Guy Lamarche était allé se spécialiser en neurophysiologie, au milieu des années 1950, sous la direction de Fernando Morin à la Wayne State University de Détroit. Ceux qui s’intéressent à l’histoire des ganglions de la base, structures sous-corticales impliquées dans le contrôle moteur, seront peut-être surpris d’apprendre que ce même Fernando Morin, complètement oublié de nos jours, fut à l’origine de la carrière fulgurante que connut le neurophysiologiste Stephen T. Kitai dans ce domaine des neurosciences à l’Université du Tennessee à Memphis.

Pour sa part, Maurice Héon était un neurochirurgien ayant reçu une formation de très haut niveau à l’Université Yale sous la direction de William J. German (1899-1959) et William B. Scoville (1906-1984). Scoville fut celui qui opéra Henry Gustav Molaison (1926-2008) – mieux connu dans la littérature sous les initiales H.M. – pour le soulager de ses troubles épileptiques. En plus d’avoir joué un rôle clé dans la création du département de neurochirurgie à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, Maurice Héon se passionnait pour la neurophysiologie, la neuroanatomie et la neuropathologie.

Un peu plus tard, Jean-Marie Langlois, un jeune professeur de biologie de la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval, se joignit à Lamarche et Héon et, ensemble, ils réalisèrent plusieurs études électrophysiologiques, entre autres sur les potentiels évoqués cérébelleux et les projections trigéminales vers la formation réticulée du bulbe rachidien. Les résultats de ces travaux ont d’abord été publiés dans des journaux locaux, tel le défunt Laval Médical, avant de paraître dans des revues nationales et internationales [1-5] (Les chiffres entre crochets réfèrent aux références citées dans la bibliographie qui apparaît à la fin du texte).

Enrique Ramón-Moliner, diplômé en médecine de l’Université de Madrid, avait émigré au Canada au milieu des années 1950. Il obtint un doctorat en neurosciences de l’Université McGill, en 1958, suite à une étude morphologique détaillée de la structure du gyrus post-central chez le chat, travaux effectués à l’Institut neurologique de Montréal sous la direction de Francis McNaughton (1934-1983). Neuroanatomiste émérite, Ramón-Moliner cherchera, presque toute sa vie, à améliorer la technique mis au point par l’italien Camillo Golgi (1843-1926), une méthode extraordinaire de marquage neuronale qui allait faire la gloire de son illustre compatriote, Santiago Ramón y Cajal (1852-1934). Ramón-Moliner publiera les résultats de ces essais techniques ainsi que les données de sa thèse entre 1958 et 1961 [6,7]. Par la suite, il quittera l’Institut neurologique de Montréal pour se joindre au Département d’anatomie de l’Université du Maryland à Baltimore où il effectuera une étude importante visant à classifier les neurones sur la base de l’organisation de leurs dendrites. Au milieu des années 1960, il se joindra au Département de physiologie de l’Université Laval, tout en gardant son accréditation à l’Université du Maryland. La brièveté de son séjour à l’Université Laval n’empêcha pas Ramón-Moliner de publier des travaux intéressants. Parmi ceux-ci, notons le résultat d’une collaboration active avec le célèbre neuroanatomiste du Massachussetts Institute of Technology (MIT), Walle J. H. Nauta (1916-1994), sur l’organisation intrinsèque du cœur du tronc cérébral, une publication qui, dès sa parution en 1966, fut très remarquée [8]. La même année, il faisait paraître chez Charles C. Thomas à Springfield un volume contenant l’ensemble des études de Ramón y Cajal sur le diencéphale, travaux qu’il avait lui-même amassés, archivés et traduits de l’Espagnol à l’Anglais [9]. À la fin de sa carrière, il publiera un volumineux traité sur les bases neuronales de la conscience [10].

Malheureusement pour l’Université Laval, Maurice Héon, Guy Lamarche et Enrique Ramón-Moliner ne purent résister à l’alléchante proposition que leur fit Gérard La Salle, doyen de la toute nouvelle Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke où ils s’installèrent en 1968. Maurice Héon y fonda un tout nouveau département de neurochirurgie qui allait connaître un essor remarquable, Guy Lamarche devint responsable de l’enseignement des sciences fondamentales et directeur du Département de physiologie, alors que Enrique Ramón-Moliner s’intégra au Département d’anatomie et de biologie médicale dont il fut un membre éminent de 1968 à 1987. Jean-Marie Langlois fut le seul de ces quatre pionniers à demeurer à l’Université Laval. Malgré une forte charge d’enseignement au Département de biologie, il poursuivit, lentement mais sûrement, ses études de neurophysiologie, cette fois en collaborant principalement avec Denis Poussart et Yves Poussart de la Faculté des sciences et de génie [11].

 

Chapitre 2: Deux pionniers de la recherche biomédicale à Québec

Au cours de la première moitié des années 1960, l’Université Laval recrute successivement deux éminents chercheurs montréalais : Claude Fortier (1921-1986), en 1960, et Louis J. Poirier (1918-2014), en 1965 (Fig. 1). Les deux chercheurs se connaissaient très bien puisqu’ils avaient partagé les bancs d’école d’abord au Collège Jean-de-Brébeuf et ensuite à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Immédiatement après leur diplomation, plutôt que d’opter pour la pratique médicale, ces deux médecins s’orientèrent vers la recherche biomédicale.

Figure 1.  Claude Fortier (à gauche) et Louis J. Poirier (à droite). Tous les deux arborent fièrement l’insigne d’Officier de l’Ordre du Canada.

 

Bien qu’émergeant d’un même moule, les personnalités de Claude Fortier et de Louis J. Poirier ne pouvaient être plus dissemblables. Claude Fortier impressionnait par son sérieux ainsi que par la retenue de son caractère. Les étudiants, et j’étais de ceux-là, étaient inévitablement impressionnés et même carrément intimidés devant ce grand personnage tout de noir vêtu qui, par ailleurs, ressemblait un peu à Don Quichotte. C’est grâce à un raisonnement froid et implacable que Claude Fortier imposait ses vues sur le développement de la neuroendocrinologie. Il fallait le courage et la résilience d’un Fernand Labrie pour faire fléchir l’opinion du maître lorsque venait le temps de planifier le futur. Au contraire, Louis J. Poirier était d’un accès facile. Peu soucieux des conventions et de la place qu’occupe chaque individu sur l’échiquier académique, il était ouvert à la discussion, acceptant même, s’il les jugeait valables, les suggestions émanant de ses propres étudiants. Travailleur acharné, une seule chose semblait compter pour lui : l’avancement des recherches au sein de son laboratoire. Fin observateur, il savait facilement détecter les étudiants le plus motivés et les plus travailleurs parmi ses troupes et c’est vers ceux-là qu’il tournait davantage son regard. Son charisme exceptionnel lui permettait de demander beaucoup à ses étudiants qu’il savait enthousiasmer en leur répétant sa célèbre formule : « Nous sommes les meilleurs au monde, mais il faut continuer de travailler si nous voulons maintenir l’avance ! ».

Formé initialement à la dure école de « Monsieur Stress », Hans Selye (1907-1982), à l’Université de Montréal, Claude Fortier participe à la création d’une toute nouvelle discipline : la neuroendocrinologie.  Après avoir travaillé à l’Université de Londres, auprès de Geoffrey W. Harris (1913-1971), on le convainc de diriger le tout premier laboratoire de neuroendocrinologie en Amérique à l’Université Baylor, au Texas. En 1960, Claude Fortier accepte le poste qu’on lui offre à l’Université Laval où il met sur pied le Laboratoire d’endocrinologie de la Faculté de médecine, tout en assumant la direction du Département de physiologie de cette même Faculté. La grande qualité et l’originalité de ses recherches, qui portent principalement sur les relations entre le système nerveux central et le système endocrinien, attirent un grand nombre d’étudiants du Québec et de l’étranger. Parmi les plus connus, mentionnons Fernand Labrie et Georges Pelletier (voir § 3), qui se chargeront de perpétuer l’influence de Claude Fortier et d’assurer la reconnaissance internationale du secteur d’excellence qu’est devenue l’endocrinologie québécoise. Récipiendaire d’innombrables prix et distinctions, Claude Fortier sera intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne, en 1998, à titre posthume.

Pour sa part, Louis J. Poirier initie sa carrière en recherche en effectuant un stage d’étude à Ann Arbor au Michigan (1947-1950), sous la direction de Mme Elisabeth C. Crosby (1988-1983), déjà célèbre dans le monde pour ses travaux de neurologie comparée. Après avoir soutenu une thèse traitant de l’organisation morphologique du lobe temporal des primates, l’Université du Michigan lui confère le titre de Philosophiæ Doctor (Ph.D.) en 1950 [12]. Par la suite, il devient professeur d’anatomie et d’histologie à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, poste qu’il occupera de 1950 à 1964. En 1965, il rejoint son ancien collègue Claude Fortier à l’Université Laval où il devient professeur de neurologie expérimentale à la Faculté de médecine. À ce titre, il fonde le Laboratoire de neurobiologie qui sera à l’origine d’une longue tradition d’excellence en neurosciences à Québec (voir § 4, 6 et 7). Sa très grande vitalité et sa contribution unique à l’avancement des neurosciences lui vaudront de très nombreuses distinctions [13], mais c’est surtout son extraordinaire motivation qui influencera de façon marquante de nombreux jeunes chercheurs provenant de tous les coins du monde. Sans jamais délaisser la recherche, Louis J. Poirier consacrera, dans le dernier droit de sa carrière, une portion de plus en plus significative de son temps aux activités administratives reliées à l’organisation de la recherche québécoise et canadienne (voir § 7).

 

Chapitre 3: Les neurosciences au CHU de Québec

Figure 2.  Fernand Labrie (à gauche) et Georges Pelletier (à droite)

Élève surdoué en qui Claude Fortier avait mis toute sa confiance, Fernand Labrie (Fig. 2) n’allait pas décevoir son maître. Suite à l’obtention de son doctorat en 1966, il effectue des études postdoctorales à Cambridge en Angleterre sous la direction de Frederick Sanger (1918-2013) à qui l’on attribua deux fois le prix Nobel de chimie (1958 et 1980). Fernand Labrie revient à la Faculté de médecine de l’Université Laval en 1969, et c’est au sein du Département de physiologie qu’il fonde le premier laboratoire d’endocrinologie moléculaire au monde. Quelques années à peine après son retour à Québec, il déplace son laboratoire à l’ancien Hôpital Sainte-Foy (Hôpital des vétérans), qui était devenu en 1968 le Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL). Ce laboratoire sera la pierre angulaire du Centre de recherche du CHU de Québec que Fernand Labrie dirigera avec rigueur pendant une trentaine d’années, tout en demeurant très actif en recherche, comme le démontre le fait qu’il soit devenu l’un des chercheurs canadiens les plus cités au monde. Suite aux efforts de Fernand Labrie pour recruter de nombreux chercheurs œuvrant dans des domaines autres que celui de l’endocrinologie (par ex. immunologie, infectiologie, oncologie), et après qu’il eut initié plusieurs agrandissements et restructurations majeures, le Centre de recherche du CHU de Québec est devenu un centre multithématique de grande envergure, centre que l’on peut considérer aujourd’hui comme le fer de lance de la recherche biomédicale à Québec.

Comparativement aux autres disciplines en développement au Centre de recherche du CHUL, les neurosciences connurent un début relativement lent. À l’origine, les travaux dans ce domaine reposaient essentiellement sue les épaules d’un autre brillant étudiant de Claude Fortier, Georges Pelletier (Fig. 2), qui rejoignit son collègue et ami Fernand Labrie au sein du Laboratoire d’endocrinologie moléculaire du CHUL en 1971. L’un des premiers chercheurs à appliquer des techniques immunohistochimiques à haute résolution à l’étude de l’hypothalamus, Georges Pelletier dressera une cartographie détaillée de la distribution de plusieurs neuropeptides au sein de cette structure cérébrale intiment liée au système endocrinien, apportant ainsi une contribution exceptionnelle au domaine de la neuroendocrinologie.

Figure 3.  Rangée du haut : Nicholas Barden et Thérèse Di Paolo.

Rangée du bas : Guy Drolet et Serge Rivest

Originaire d’Angleterre, Nicholas Barden (Fig. 3) se joint aux membres du Laboratoire d’endocrinologie moléculaire en 1972, d’abord comme stagiaire postdoctoral et ensuite comme chercheur autonome. Il y effectue des recherches principalement axées sur la régulation génétique de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien dans les troubles de l’humeur. En 1980, Thérèse Di Paolo (Fig. 3), formée en chimie et en pharmacologie à l’Université de Montréal, s’associe à son tour au laboratoire de Fernand Labrie avec qui elle avait fait des études postdoctorales de 1976 à 1980. À titre de chercheure indépendante, elle s’intéressera d’abord à l’effet de certaines hormones sur le métabolisme de la dopamine ainsi que sur les troubles du mouvement. Par la suite, elle utilisera différents modèles animaux de la maladie de Parkinson afin de développer de nouveaux traitements pharmacologiques visant à prévenir l’apparition des dyskinésies induites par la L-Dopa. Avec le clinicien-chercheur Paul J. Bédard (voir chapitres 4 et 6), elle établira une collaboration exemplaire et les travaux de ce duo unique acquerront une réputation internationale.

En 1991, deux autres chercheurs dignes de mention se joignent au centre de recherche du CHUL. Le premier, Pierre Falardeau, avait obtenu un doctorat suite à des travaux effectués sous la direction de Thérèse Di Paolo. Il a poursuivi sa formation par un stage postdoctoral à l’Université Duke en Caroline du Nord où, au sein de l’équipe de Marc Caron, il participa au clonage du récepteur dopaminergique D1 chez l’humain. Professeur subventionnel à la Faculté de pharmacie, il s’intégrera au Laboratoire d’endocrinologie moléculaire qu’il quittera cependant en 1998 pour aller œuvrer dans l’industrie pharmaceutique. Le second, Guy Drolet (Fig. 3), détenteur d’un doctorat en physiologie de l’Université de Montréal et stagiaire postdoctoral à l’Université Hahnemann de Philadelphie, se joindra à l’unité d’hypertension de centre de recherche du CHUL. Il deviendra un spécialiste des réactions du cerveau face au stress. Il s’intéressera plus spécifiquement à l’implication des endorphines dans les mécanismes d’adaptation face au stress chronique et aux états de résilience.

Ce n’est cependant qu’en 1996 que naîtra au CHUL une véritable Unité de neurosciences qui sera dirigée pendant plusieurs années par Nicholas Barden. La création de cette unité coïncide avec l’arrivée de plusieurs nouveaux chercheurs qui y trouvent refuge suite à l’éclatement du Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (voir § 8). Cette nouvelle cohorte comprenait Michel Filion, Jean-Jacques Soghomonian, Claude Rouillard et Paul J. Bédard, dont nous reparlerons en détail plus loin. Par la suite, plusieurs jeunes chercheurs talentueux avec un intérêt particulier pour les neurosciences seront recrutés au sein du secteur de l’endocrinologie moléculaire du CHUL. Parmi ceux-ci, notons,  Serge Rivest (Fig. 3), Steve Lacroix et Luc Vallières dont les travaux portent sur la neuroimmunologie. Suite à l’incorporation de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et de l’Hôpital Saint-Sacrement au sein du CHU de Québec, vers 2010, le Centre de recherche de cette entité multi-sites subira une réorganisation complète et sa direction sera plus tard confiée à Serge Rivest. Les chercheurs œuvrant dans le domaine des neurosciences dans le Centre de recherche du CHU de Québec seront alors regroupés au sein de l’Axe de neurosciences. Steve Lacroix a récemment remplacé Guy Drolet à la direction de cet axe qui comprend aujourd’hui quelques 35 chercheurs réguliers.

 

Chapitre 4: Louis J. Poirier et le Laboratoire de neurobiologie (1965-1975)

Si l’on retourne dans le temps, je peux affirmer, sans trop de risque de me tromper, que les neurosciences à l’Université Laval ont pris véritablement leur envol avec l’entrée en scène de Louis J. Poirier, médecin-chercheur spécialisé en neurologie expérimentale (voir § 2). Dès son arrivée à l’Université Laval en 1965, il crée une unité de recherche entièrement dévolue aux neurosciences qu’il nomma d’abord Laboratoire de neuropsychiatrie expérimentale – les vœux des premiers bailleurs de fonds obligent, mais qui deviendra quelques années plus tard le Laboratoire de neurobiologie.

Figure 4. René Boucher (à gauche) et Louis J. Poirier (à droite) dans leur laboratoire de l’Université de Montréal au début des années 1960

Cette unité de recherche, sise au sein du Département de physiologie de la Faculté de médecine, était au départ très modeste. Outre son directeur, l’équipe comprenait René Boucher, le fidèle assistant de recherche de Louis J. Poirier qui avait quitté Montréal pour suivre son patron à Québec, ainsi que deux étudiants au doctorat, André Olivier et Guy Bouvier. René Boucher s’occupait des aspects techniques complexes reliés aux protocoles de recherche de Louis J. Poirier qui impliquaient l’utilisation de singes macaques et de chirurgie stréréotaxique assistée par imagerie. Il développa ainsi une expertise unique qu’il allait généreusement partager avec toute une génération de jeunes chercheurs. Pour leur part, André Olivier and Guy Bouvier avaient temporairement interrompu leur résidence en neurochirurgie à Montréal afin d’entreprendre des études avancées en neurobiologie fondamentale sous la direction de Louis J. Poirier. Guy Bouvier s’intéressait principalement aux troubles du mouvement résultant de différentes lésions cérébrales chez le singe alors qu’André Olivier était surtout attiré par l’organisation anatomique et neurochimique du thalamus chez les primates, ce qui sera le sujet de la thèse de doctorat qu’il défendra en 1970 [14]. Ces deux étudiants devinrent par la suite des neurochirurgiens reconnus, Guy Bouvier faisant carrière dans le milieu hospitalier francophone de Montréal (Hôpital Notre-Dame affilié à l’Université de Montréal) et André Olivier dans le milieu anglophone (l’Institut neurologique de Montréal affilié à l’Université McGill).

L’intérêt majeur du Laboratoire de neurobiologie à l’époque reposait sur l’utilisation de primates non-humains en vue de mieux comprendre la physiopathologie de certaines maladies neurodégénératives, principalement la maladie de Parkinson. À l’aide de lésions stéréotaxiques effectuées par électrocoagulation, Louis J. Poirier avait réussi à produire le premier véritable modèle simien de la maladie de Parkinson (Fig. 4). Ce modèle fut d’abord initié à l’Université de Montréal, mais c’est à l’Université Laval que Louis J. Poirier le perfectionna vraiment et le fit connaître au monde. La similitude avec la pathologie humaine était si grande que ce modèle a attiré à Québec des chercheurs (neuroscientifiques, neurologues et neurochirurgiens) du monde entier. De plus, une collaboration fructueuse avec le neurochimiste Theodore L. Sourkes (1919-2015), qui œuvrait au Allen Memorial Institute de l’Université McGill, permit à Louis J. Poirier de démontrer qu’en plus de produire un syndrome parkinsonien, une lésion de la substance noire chez le singe entraîne une perte massive de dopamine dans le striatum. Ces résultats, publiés en 1965 dans un article qui devint un « Citation Classic » de la littérature neurologique, attirèrent l’attention de la communauté scientifique internationale sur les travaux alors en cours à Québec [15]. Les travaux de Louis J. Poirier sur les voies nerveuses impliquées dans la régulation de la dopamine et de la sérotonine cérébrales se poursuivront pendant plusieurs années. Ils bénéficieront de la collaboration déjà établie avec Theodore L. Sourkes de McGill, mais aussi de l’aide précieuse de Pritam Singh († 2011), un jeune biochimiste formé à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval et qui occupait alors un poste de professeur au Département de biochimie de la Faculté de médecine.

Du Laboratoire de neurobiologie ont émergé plusieurs chercheurs qui allaient poursuivre la tradition québécoise initiée par Louis J. Poirier. C’est le cas, entre autres, de Paul J. Bédard (voir plus bas) qui réussira à induire la dégénérescence de la voie nigrostriée dopaminergique chez le singe grâce à des approches méthodologiques nouvelles et sophistiquées, ouvrant ainsi la porte à des analyses pharmacologiques détaillées de ce syndrome moteur chez le singe. Des recherches de ce type sont toujours en cours dans différents centres hospitaliers de Québec où elles ont atteint un niveau d’excellence qui font du réseau des neurosciences de l’Université Laval un centre de référence mondial pour ce qui est de l’étude des troubles du mouvement.

Attirés par la réputation de Louis J. Poirier et de ses travaux de neurologie expérimentale, trois étudiants se joignirent au Laboratoire de neurobiologie en mai 1967, soit il y a exactement cinquante ans. Il s’agit de Paul J. Bédard (1942-2014) (Fig. 10-12) et Louis Larochelle, deux jeunes diplômés en médecine de l’Université Laval, et moi-même [André Parent], un biologiste frais émoulu de la Faculté des sciences de l’Université de Montréal.

Paul J. Bédard et Louis Larochelle œuvrèrent conjointement à l’identification des voies nerveuses et des mécanismes neurochimiques impliqués dans la genèse des troubles du mouvement chez le singe. Pour ma part, après avoir mis au point des techniques histochimiques permettant la visualisation de certains neurotransmetteurs, j’ai appliqué cette nouvelle approche à l’étude des ganglions de la base chez différentes espèces afin de mieux comprendre l’évolution phylogénétique de ces structures sous-corticales impliquées dans le contrôle du comportement moteur. J’ai soutenu ma thèse de doctorat en 1970 [16] pour aller ensuite parfaire mes connaissances en neurologie comparée au Max-Planck-Institut für Hirnforchung à Francfort en Allemagne, où j’ai eu le privilège de travailler sous la direction du professeur Rolf Hassler (1914-1984), un spécialiste des troubles du mouvement et de l’anatomie du thalamus. Pour sa part, Paul J. Bédard a défendu sa thèse de doctorat en 1971 [17]. Il a entrepris, par la suite, un stage d’études postdoctorales à l’Université de Göteborg en Suède où il œuvra dans le laboratoire de Nils-Erik Anden au sein du Département de pharmacologie. Ce département était alors dirigé par Arvid Carlsson à qui l’on attribua le prix Nobel en 2000 pour ses travaux sur la dopamine. Louis Larochelle défendit sa thèse de doctorat en 1972 [18] et effectua un stage d’études postdoctorales à l’Université de Toronto sous la direction de Oleh Hornykiewicz. Ce célèbre pharmacologiste viennois fut l’un des premiers chercheurs à détecter la perte de dopamine dans le striatum de patients atteints de la maladie de Parkinson. Il fut aussi l’un des premiers à suggérer l’utilisation du précurseur de la dopamine, soit la L-Dopa, pour contrer les symptômes de cette affection neurologique dégénérative. Nous reviendrons plus loin sur ces trois jeunes chercheurs et sur leur contribution au développement du réseau des neurosciences à l’Université Laval.

De très nombreux autres étudiants, stagiaires postdoctoraux et chercheurs invités allaient séjourner pendant des périodes plus ou moins longues au Laboratoire de neurobiologie durant la décennie 1970-1980. Parmi ceux qui avaient une formation médicale au départ et qui devinrent par la suite des spécialistes cliniciens reconnus, notons les neurologistes Rémy Bouchard et Jacques De Léan, le neuroendocrinologue Pierre Langelier (1942-2014), les neurochirurgiens Georges L’Espérance et Claude Picard ainsi que le neuroradiologiste Fernand Bédard.  Pierre Langelier (Fig. 10), qui soutiendra une thèse sur les mécanismes d’action de la L-Dopa en 1979 [19], fut un très proche collaborateur de Louis J. Poirier. Il jouera un rôle important dans la structuration du Laboratoire de neurobiologie avant de devenir un spécialiste de renom en médecine interne et en endocrinologie. Parmi ceux ayant une formation davantage orientée vers les neurosciences fondamentales, mentionnons Jacques P. Tremblay (Fig. 9), qui deviendra un chercheur mondialement reconnu pour ses travaux sur la dystrophie musculaire, et Raymond Marchand, un neuroanatomiste et embryologiste qui contribuera de façon significative à l’avancement des connaissances sur l’organisation et le développement de différentes composantes du tronc cérébral et des ganglions de la base (voir § 7). Mentionnons aussi la présence du neurochirurgien et neurophysiologiste japonais Chihiro Ohye († 2010), un élève de Hirotaro Narabayashi (1922-2001) devenu célèbre grâce à ses interventions neurochirurgicales (thalamotomie) visant à contrer le tremblement parkinsonien. Durant son séjour de deux ans (1968-1970) au Laboratoire de neurobiologie, Chihiro Ohye, en collaboration avec Rémy Bouchard, effectua des travaux remarquables ayant pour but de caractériser l’effet d’une lésion des racines dorsales de la moelle épinière (rhizotomie) sur le tremblement postural chez le singe parkinsonien. Il deviendra par la suite neurochirurgien en chef à l’Université Gunma au Japon où il mettra sur pied un département qui devint célèbre grâce à l’exploitation de la chirurgie de type « Gamma Knife » pour soulager les patients souffrant de tremblement parkinsonien.

Dès 1971, Louis J Poirier initie une phase de recrutements en vue d’assurer la pérennité du Laboratoire de neurobiologie. Grâce à l’obtention d’un octroi de groupe du Conseil de recherches médicales du Canada (CRMC), l’ancêtre des actuels Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), il peut offrir un poste à trois de ses premiers étudiants, soit Paul J. Bédard, Louis Larochelle et moi-même, qui se voient intégrés au Département d’anatomie de la Faculté de médecine à titre de professeurs subventionnels. Tout en prenant progressivement en charge l’enseignement des neurosciences, ces trois chercheurs commencent à œuvrer de façon autonome, chacun dans son domaine de prédilection. Paul J. Bédard et Louis Larochelle continuent leurs efforts pour mieux comprendre la physiopathologie des troubles du mouvement chez le singe, alors que, pour ma part, j’acquiers progressivement une expertise particulière pour ce qui est de l’organisation anatomique et fonctionnelle des ganglions de la base chez différentes espèces animales. Ces trois jeunes chercheurs maintiendront leur poste de professeur subventionnel à l’Université Laval pendant plus d’une douzaine d’années suite à l’obtention de diverses subventions salariales nominatives auprès de différents organismes, dont le CRMC.

L’année 1972 voit l’arrivée de deux nouvelles recrues : Michel Filion et Andrée G. Roberge qui s’intégreront à la Faculté de médecine à titre de professeurs subventionnels, le premier au Département de physiologie et la seconde au Département de biochimie, en association avec la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation. 

Médecin diplômé de l’Université de Montréal, Michel Fillion (Fig. 11) obtient un doctorat en physiologie de la même Institution en 1969. De 1969 à 1972 il se perfectionne dans le domaine de la neurophysiologie du contrôle moteur en effectuant des stages d’études postdoctorales au Max-Planck-Institute für Psychiatrie de Munich et à l’Université Rockefeller de New York. Grâce à sa formation unique, il deviendra rapidement un élément important du Laboratoire de neurobiologie dont les travaux portent alors sur l’organisation anatomique et fonctionnelle des ganglions de la base ainsi que sur le rôle de ces structures nerveuses dans le contrôle du comportement moteur. Pour sa part, Andrée G. Roberge apportera une expertise nouvelle qui manquait alors à la jeune équipe du Laboratoire de neurobiologie, soit celle de la neurochimie. Formée initialement en nutrition à l’Université Laval, elle obtint un doctorat en biochimie de la même Institution en 1969 et, de 1969 à 1972, elle se spécialisa en neurochimie grâce à un stage d’études postdoctorales effectué à l’Université McGill, sous la direction de Theodore L. Sourkes, un proche collaborateur de Louis J. Poirier (voir plus haut).

Finalement, mentionnons deux chercheurs d’origine française recrutés vers 1975, mais dont les activités n’ont cependant été qu’indirectement rattachées au Laboratoire de neurobiologie. Il s’agit de Yvy LeBeux, un spécialiste de l’ultrastructure du cytosquelette neuronal, recruté de l’Université de Sherbrooke, et d’Anne Kitsikis, une électrophysiologiste formée à l’école du neurophysiologiste Pierre Buser (1921-2013) à Paris. Yvy LeBeux travaillera largement seul au sein du Département d’anatomie alors que Anne Kitsikis, membre de Département de physiologie, collaborera activement avec Andrée G. Roberge et Mircea Steriade (voir § 5).

Au début des années 1970, de nouveaux locaux temporaires furent aménagés à l’arrière du Pavillon Ferdinand-Vandry afin d’y loger le Laboratoire de neurobiologie ainsi que les bureaux des membres du jeune Département de médecine sociale et préventive. Le laboratoire fut donc déplacé du troisième étage de la Faculté de médecine vers une suite de constructions précaires que l’on appelait pompeusement « les annexes », mais que les habitués rebaptisèrent « les baraques » (Fig. 5). Ces locaux, pauvrement éclairés et mal chauffés, étaient largement inadéquats pour des travaux de recherche. Lorsque la pluie s’infiltrait à plusieurs endroits à partir du toit troué, la situation devint carrément intenable. Il fallait donc trouver une solution pour que le Laboratoire de neurobiologie puisse continuer à se développer dans l’harmonie. L’occasion se présenta au début des années 1975 alors que l’on offrit à Louis J. Poirier et à son équipe la possibilité de s’installer à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (voir chapitre 6).

Figure 5. À gauche, une photo montrant la section de biochimie du Laboratoire de neurobiologie alors situé dans les « annexes » de la Faculté de médecine vers 1974. De gauche à droite, on retrouve Lisette Bertrand (technicienne), Jana Dankova (chercheure invitée), Carole Harvey (technicienne) et Louis J. Poirier. Notez, en bas à gauche, la présence d’une poubelle servant à recueillir l’eau de pluie tombant du toit percé.  À droite, une photo montrant Louis J. Poirier vers 1980.

Sous la gouverne de Louis J. Poirier, le Laboratoire de neurobiologie avait prospéré de façon remarquable. À tel point que, suite à une évaluation par la Commission de la recherche de l’Université Laval, il fut reconnu comme l’un des centres de recherche facultaire par le Conseil universitaire dès le début des années 1970.

En ce qui a trait à l’enseignement formel des neurosciences, les programmes de maîtrise et de doctorat en neurobiologie voient le jour au début des année 1970, toujours sous l’impulsion de Louis J. Poirier, qui en devient le premier directeur (1974-1979). Ce programme formera une kyrielle de jeunes neuroscientifiques qui feront connaître l’école des neurosciences de l’Université Laval à travers le monde. Il sera dirigé successivement par Marc Colonnier (1979-1986), Jacques J. Tremblay (1986-1988), Michel Filion (1988-1993), Raymond Marchand (1993-1998), Claude Rouillard (1998-2005) et moi-même (2005-2010). Le programme est toujours très actif, encadrant plus d’une cinquantaine d’étudiants à la maîtrise et au doctorat en neurobiologie de même qu’une trentaine de stagiaires postdoctoraux ; il est sous la direction de Katalin Tóth depuis 2010.

 

Chapitre 5: Mircea Steriade et le Laboratoire de neurophysiologie (1969-2005)

En 1969, suite aux efforts concertés de Claude Fortier et Louis J. Poirier, alors respectivement directeur du Département de physiologie et directeur du Département d’anatomie, le secteur des neurosciences à l’Université Laval allait connaître un nouvel essor avec le recrutement de Mircea Steriade (1924-2006).

Figure 6. 
Mircea Steriade au début des années 2000.

Médecin né à Bucarest en Roumanie, Mircea Steriade (Fig. 6) va, très tôt dans sa carrière, se spécialiser en neurophysiologie avec un intérêt tout particulier pour l’étude des mécanismes qui sous-tendent le cycle éveil-sommeil. Après un stage de recherche à Bruxelles auprès de l’éminent neurophysiologiste Frédéric Bremer (1892-1982), il dirige pendant une dizaine d’années le Laboratoire de neurophysiologie de l’Institut de neurologie à Bucarest. En 1968, il émigre au Canada et s’installe provisoirement à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal à l’invitation de Jean-Pierre Cordeau, un pionnier de l’histoire des neurosciences à Montréal. Quelques mois plus tard, il se voit offrir un poste de professeur régulier à la Faculté de médecine de l’Université Laval, poste qu’il accepte en 1969. Il se joint alors au Département de physiologie où il fonde le Laboratoire de neurophysiologie qui connaîtra, sous sa direction, un essor remarquable. Les travaux de Mircea Steriade sur les bases neurophysiologiques du cycle éveil-sommeil feront école et lui vaudront une réputation internationale ainsi que de très nombreuses distinctions [20]. Auteur prolifique, il deviendra l’un des chercheurs les plus cités au monde dans le domaine des neurosciences. En plus de ses qualités comme chercheur, Mircea Steriade était un homme d’une grande culture. Amateur de musique, et pianiste lui-même à ses heures, on pouvait discuter avec lui de sujets très variés, allant des plus récents ouvrage romanesques aux traités philosophiques les plus anciens. Particulièrement spectaculaire, son enseignement était émaillé de citations et d’illustrations historiques visant à faire comprendre les trajets sinueux et complexes qu’avaient suivis les concepts neurologiques qu’il nous exposait.

Parmi les très nombreux étudiants, stagiaires postdoctoraux et chercheurs invités qui travailleront au Laboratoire de neurophysiologie de l’Université Laval, notons Martin Deschênes, Denis Paré, Roberto Curró Dossi, Angel Nunez, Florin Amzica, Diego Contreras, Igor Timofeev, Dag Neckelman et François Grenier. Plusieurs d’entre eux deviendront des chercheurs autonomes de réputation internationale. C’est le cas, entre autres, de Martin Deschênes, Denis Paré et Igor Timofeev (Fig. 7).

 

Figure 7.  De gauche à droite, Martin Deschênes, Denis Paré et Igor Timofeev.

 

Au dire même de Mircea Steriade, Martin Deschênes fut l’un des étudiants les plus talentueux qu’il lui fut donné de diriger [21]. Formé initialement en psychologie, il entreprend, en 1970, des recherches portant sur les fluctuations de l’activité neuronale du cortex moteur pendant le cycle éveil-sommeil. Après l’obtention de son doctorat en 1973 [22], il effectue deux stages d’études postdoctorales, l’un chez Michael V. L. Bennett au Albert Einstein College of Medicine à New York, et l’autre chez Paul Feltz (1942-1996) à Paris. Il sera recruté comme professeur subventionnel au département de physiologie en 1976 où il développera son propre laboratoire tout en collaborant étroitement avec Mircea Steriade. Au milieu des années 1980, il se joint au Centre de recherche en neurobiologie à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus où il développe un programme de recherche très original centré sur les relations anatomiques et fonctionnelles au sein du système des vibrisses chez le rat (voir chapitre 7).

Pour sa part, Denis Paré, entreprend des études de doctorat au milieu des années 1980 et, en 1989, il défend avec succès une thèse portant sur les bases neurochimiques et électro-physiologiques de l’innervation cholinergique du thalamus [23]. Il effectue ensuite un stage d’études postdoctorales de deux ans sous la supervision de Rodolfo Llinás au New York University Medical Center, et revient à Québec, se joignant comme chercheur autonome au Département d’anatomie et de physiologie où il œuvre pendant une dizaine d’années. Il quitte l’Université Laval en 2001 pour accepter le poste que lui offre la Rutgers University à Newark, NY. Au cours de son séjour à l’Université Laval, Denis Paré a initié un programme de recherche novateur axé sur l’amygdale et les mécanismes neuronaux par lesquels l’émotion régule la mémoire. Il est actuellement le directeur du Center for Molecular and Behavioral Neuroscience à Rutgers.

De tous les étudiants formés par Mircea Steriade, Igor Timofeev est celui dont les travaux de recherche s’insèrent le plus directement dans la continuité de ceux de son mentor. Formé à l’origine à l’Université d’état Mechnikov à Odessa en Ukraine, il obtient un doctorat en neurosciences du Bogomolets Institut of physiology en 1993 après avoir défendu une thèse traitant des mécanismes qui sous-tendent les états d’activité neuronale spontanée au sein du cortex cérébral. Il décide d’émigrer au Canada en 1994 et il entreprend alors un long et fructueux stage d’études postdoctorales sous la direction de Mircea Steriade. Il devient professeur au Département d’anatomie et de physiologie en 2000 où il mettra sur pied son propre laboratoire. Il y développera un programme de recherche autonome et de haut niveau visant à mieux comprendre les transformations que subit la transmission synaptique au sein du système thalamocortical durant le cycle veille-sommeil chez l’individu normal ainsi que dans certains états pathologiques, comme l’épilepsie.

En 2005, alors que Igor Timofeev, accompagné de Florin Amzica, accepte de se joindre aux chercheurs de centre de recherche Université Laval-Robert Giffard (voir § 9), le Laboratoire de neurophysiologie de la Faculté de médecine ferme définitivement ses portes. Son fondateur, Mircea Steriade, pour sa part, avait toujours été farouchement opposé à l’idée de quitter ses chers locaux au troisième étage du vieux Pavillon Ferdinand-Vandry où il avait trouvé refuge quelque 35 ans plus tôt. Ayant décidé, en 2004, de profiter d’une toute première année sabbatique, il se dirigea vers l’Université de Montréal qui l’avait accueilli lors de son arrivée au Canada. Cette année d’étude et de recherche se prolongea jusqu’en avril 2006 alors que nous apprîmes avec stupéfaction que Mircea Steriade venait de perdre un long combat contre le cancer.

 

Chapitre 6: Le Centre de recherche en neurobiologie (1975-1996)

Au milieu des années 1970, les autorités de la Faculté de médecine songent sérieusement à rediriger les laboratoires de recherche encore présents sur le campus de l’Université Laval vers les différents centres hospitaliers afin, entre autres, de favoriser la collaboration entre chercheurs fondamentalistes et cliniciens. Yves Morin, doyen de la Faculté de médecine, entreprend alors des démarches auprès de Gaston Pellan (1944-2016), directeur général de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus – le plus grand centre hospitalier de l’Est du Québec dévolu à la neurologie et à la neurochirurgie –, afin d’explorer la possibilité de relocaliser le Laboratoire de neurobiologie au sein de cette institution.

 

Figure 8.  Claude Bélanger, neurologue et fondateur du Département des sciences neurologiques de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, et le Pavillon Notre-Dame de la même Institution, dont les quatre derniers étages étaient occupés par le Centre de recherche en neurobiologie.

 

Le neurologue Claude Bélanger (Fig. 8), directeur-fondateur du jeune Département des sciences neurologiques à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, milita activement en ce sens et finit par convaincre Louis J. Poirier de l’intérêt de se rapprocher des sciences neurologiques cliniques. En 1975, ce dernier relocalise son équipe de recherche dans des locaux adéquatement aménagés au Pavillon Notre-Dame – l’ancienne École des infirmières – situé immédiatement derrière l’édifice principale de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et dont la façade donne sur l’avenue de Vitré (Fig. 8).

Ce déménagement signe les débuts de l’âge d’or du Laboratoire de neurobiologie, qui se voit bientôt intégré au sein du réseau sélecte des centres de recherche du FRSQ, sous l’appellation Centre de recherche en neurobiologie, une reconnaissance qu’il conservera pendant plus de deux décennies. Il maintiendra aussi son titre de centre facultaire que lui avait attribué la Commission de la recherche quelques années auparavant.

Dans son déménagement du Pavillon Ferdinand-Vandry de l’Université Laval au Pavillon Notre-Dame de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, Louis J. Poirier est accompagné des jeunes chercheurs qu’il avait recrutés jusque-là, soit Michel Filion, Louis Larochelle, Jacques P. Tremblay et moi-même. C’est au Pavillon Notre-Dame que Tremblay, Filion, et moi-même, auxquels se joindra Paul J. Bédard en 1977, développerons des programmes de recherche originaux qui contribuèrent significativement au développement et à la reconnaissance du Laboratoire de neurobiologie.

Figure 9. 
Jacques P. Tremblay (à gauche) et Jean-Pierre Bouchard (à droite)

 

 

Détenteur d’un doctorat en neurobiologie de l’Université de Californie à San Diego, Jacques P. Tremblay (Fig. 9) effectua un stage d’études postdoctorales à Québec sous la direction de Louis J. Poirier de 1974 à 1976. Il se joignit au Centre de recherche en neurobiologie en 1976 à titre de chercheur subventionnel. Il y mettra sur pied son propre laboratoire s’intéressant d’abord aux mécanismes de la transmission synaptique chez différentes espèces animales avant de développer une vaste unité de recherche entièrement dédiée à l’étude des maladies neuromusculaires, principalement la dystrophie musculaire de Duchenne. Il élaborera alors des approches thérapeutiques novatrices basées sur le transfert de gènes et la transplantation de myoblastes. Grâce à une collaboration active et très fructueuse avec Jean-Pierre Bouchard (Fig. 9), neurologue de l’Hôpital de l’enfant-Jésus reconnu pour ses travaux cliniques sur les myopathies, ainsi qu’avec Carol Richards et Francine Malouin, deux spécialistes en neuro-réadaptation, ces nouvelles approches thérapeutiques seront appliquées directement chez les patients. Tout en menant une telle recherche de pointe, Jacques P. Tremblay formera plusieurs neuroscientifiques, dont certains deviendront par la suite des chercheurs ou enseignants de renom. Parmi ces derniers, mentionnons Éric Philippe, Johnny Huard et Jean-Thomas Vilquin.

 

Grâce à son expertise en neurophysiologie ainsi qu’à la présence de singes rendus parkinsoniens suite à l’administration de la neurotoxine MPTP – modèle que Paul J. Bédard avait développé dans notre laboratoire – Michel Filion (Fig. 11) amorça une vaste étude de l’organisation fonctionnelle des ganglions de la base en conditions normale et pathologique. Utilisant la méthode d’invasion antidromique, il réussit à démontrer le fort niveau de collatéralisation axonale des voies de sortie des ganglions de la base. Par ailleurs, il fut l’un des premiers chercheurs à révéler l’existence d’altérations majeures en ce qui a trait au patron de décharge neuronale de certaines composantes des ganglions de la base chez le singe parkinsonien [24]. Parmi les stagiaires de recherche qu’il a formés, mentionnons Léon Tremblay, présentement directeur de recherche au CNRS à Lyon, France, et Masaru Matsumura, neurochirurgien et chercheur à l’Université Gunma au Japon.

Figure 10.  À gauche, quelques chercheurs du Centre de recherche en neurobiologie vers 1985. De gauche à droite, moi-même [André Parent], au début de mon mandat comme directeur scientifique, Paul J. Bédard, chercheur senior en neurosciences fondamentales et cliniques, Pierre Langelier, au moment où il terminait sa thèse de doctorat sous la direction de Louis J. Poirier et Michel Drolet, alors chef du Département des sciences neurologiques de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. À droite, les membres de mon équipe de recherche vers 1995. À l’avant, de gauche à droite : Francesca Cicchetti (étudiante), Martin Lévesque (étudiant), Marie-Claude Asselin (étudiante) et Lisette Bertrand (technicienne). À l’arrière, de gauche à droite : moi-même, Ali Charara (étudiant), Pierre-Yves Côté (étudiant), Patrick Bernier (étudiant), René Boucher (professionnel de recherche), Carole Harvey (technicienne) et Michel Fortin (étudiant).

 

De mon côté, c’est au Centre de recherche en neurobiologie de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus que mon programme de recherche a vraiment pris son envol (Fig. 10, 11). Mes travaux portaient alors sur l’organisation anatomique et fonctionnelle des ganglions de la base chez différentes espèces, principalement les primates. J’appliquais à l’étude du cerveau de singes normaux et parkinsoniens des méthodes de traçage axonal couplées à des techniques immunohistochimiques permettant la localisation neuronale des divers neurotransmetteurs. Ces travaux ont permis de réviser le modèle de l’organisation des ganglions de la base chez les primates, tout en mettant en lumière certains changements anatomiques et neurochimiques qui sous-tendent le syndrome parkinsonien. Plusieurs étudiants profiteront de cette expertise et certains d’entre eux acquerront une notoriété internationale. Parmi ceux-ci, mentionnons Yoland Smith (Atlanta), Brigitte Lavoie (Burlington), Lili-Naz Hazrati (Toronto), Ali Charara (Dubaï), Fumi Sato (Tokyo), et Lucía Prensa (Madrid). J’ai aussi participé à la formation d’autres étudiants qui œuvrent toujours très activement soit à Montréal ou à Québec, comme Abbas Sadikot (neurochirurgien et chercheur à McGill), Francesca Cicchetti (chercheure au CHUL), Philippe Huot (neurologue et chercheur au CHUM), ainsi que Martin Lévesque et Martin Parent (chercheurs au Centre de recherche CERVO).

 

Figure 11.  De gauche à droite, Paul J. Bédard, André Parent et Michel Filion

Contrairement à ses collègues Parent et Larochelle, Paul J. Bédard (Fig. 11) ne déménagea pas immédiatement à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Il choisit plutôt de quitter temporairement le monde de la recherche pour s’inscrire au programme de résidence en neurologie à l’Université Laval. Il compléta sa formation de neurologue par un stage en thérapeutique clinique et expérimentale au King’s College à Londres, où il travailla sous la direction du célèbre neurologue anglais Charles David Marsden (1938-1998). À son retour, Paul J. Bédard mettra sur pied, à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, la toute première clinique des troubles du mouvement de la région de Québec. Parallèlement, il établira une unité de recherche expérimentale en neuropharmacologie au Centre de recherche en neurobiologie. Il collaborera activement avec plusieurs de ses collègues, dont Thérèse Di Paolo (Fig. 3) et Michel Filion, et ses travaux sur la neuropharmacologie des ganglions de la base de même que ses études cliniques sur les dyskinésies induites par la L-Dopa lui vaudront une reconnaissance internationale. Grâce à sa force tranquille et à sa grande finesse d’esprit, il influencera profondément le réseau des neurosciences à Québec. Il deviendra un modèle pour toute une génération de jeunes chercheurs qui perpétueront la tradition d’excellence québécoise pour ce qui est de l’étude des ganglions de la base et des troubles du mouvement. Parmi ses élèves ayant acquis une notoriété dans ce domaine, mentionnons Hugues Barbeau à l’École de physiothérapie de l’Université McGill, un expert du contrôle moteur spinal ; Claude Rouillard au CHUL, un spécialiste de l’étude des mécanismes moléculaires de la transmission dopaminergique ; Francine Malouin qui œuvra longtemps au Département de réadaptation de l’Université Laval, une spécialiste de l’étude de la posture et de la locomotion ; Pierre J. Blanchet, à l’Université de Montréal (CHUM), neurologue expert dans le domaine de la maladie de Parkinson ; et Frédéric Calon à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval et au CHUL, dont les travaux visent à découvrir de nouvelles approches thérapeutiques pour les maladies neurologiques dégénératives. Paul J. Bédard décédera des suites d’une longue maladie en décembre 2014, laissant dans le deuil l’ensemble de ses collègues chercheurs et cliniciens ainsi que toute une génération de jeunes neuroscientifiques pour lesquels il était un véritable maître à penser.

L’autre membre du triumvirat des débuts du Laboratoire de neurobiologie, Louis Larochelle, a quitté le monde de la recherche quelques années après son arrivée à l’Hôpital de l’Enfant-jésus pour s’orienter vers l’enseignement et l’administration. Il s’occupa d’abord de réorganiser l’enseignement de l’anatomie macroscopique à la Faculté de médecine pour ensuite accepter la direction du Département d’anatomie et de physiologie, poste qu’il occupa pendant de nombreuses années. De plus en plus impliqué dans l’administration facultaire, il deviendra secrétaire de la Faculté de médecine (1986-1989), vice-doyen exécutif (1986-1994) et finalement doyen (1994-1998). Louis Larochelle a pris sa retraite de l’Université Laval en 2009.

Figure 12.  Quelques membres du Centre de recherche en neurobiologie à la fin des années 1970. Assis autour de la table de la salle de conférence, de gauche à droite : Lisette Bertrand (technicienne en biochimie), Carlos Contreras (neurochirurgien costaricain en stage), André Parent, Carole Harvey (technicienne en biochimie), Thérèse Tardif (secrétaire), Lucie Pelchat (laborantine), Marc Colonnier et Louis J. Poirier. Debout, à l’arrière, de gauche à droite : Gérard Guano (technicien en électronique), Serge Gravel (étudiant), Jean-Marie Scarabin (neurochirurgien français en stage) Paul J. Bédard, Jacques Simard (technicien en histologie) et René Boucher (professionnel de recherche).

 

Chapitre 7: L’âge d’or du Centre de recherche en neurobiologie

Au moment où le Laboratoire de neurobiologie se prépare à déménager ses pénates à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, Louis J. Poirier réussi à recruter au département d’anatomie Marc Colonnier, un neuromorphologiste de réputation internationale spécialiste de l’organisation du cortex cérébral.

Figure 13.  Marc Colonnier au début des années 1970 et une reproduction d’une figure comparant 100 types de synapses dans le cortex visuel du chat, figure qu’il publia en 1968 [26].

Né à Québec en 1930, Marc Colonnier (Fig. 13) fera toutes ses études, y compris celles de médecine à Ottawa. Après avoir obtenu un diplôme de maîtrise en neurosciences de l’Université d’Ottawa, suite à des travaux de neuroanatomie supervisés par le professeur Joseph Auer [25], il compléta sa formation en recherche grâce à de brillantes études de doctorat effectuées au University College de Londres où il travailla principalement avec Rainer Walter « Ray » Guillery, tout en subissant l’influence de personnages aussi remarquables que John Zachary Young (1907-1997) et Edward George Gray (1924-1999). Edward Gray fut le premier à noter l’existence de deux types de synapses (types I et II) dans le système nerveux central, mais ce sera Marc Colonnier qui, grâce à une série de travaux extrêmement détaillés entrepris au cours des années 1960, convaincra la communauté scientifique de la validité de la nature bimodale (synapses symétriques et synapses asymétriques) de la communication neuronale [26].

Sa célébrité lui valut d’être invité à participer à une semaine d’étude ayant pour thème « le cerveau et l’expérience consciente » organisée par l’Académie pontificale des sciences du Vatican en 1964 [27]. Il était alors l’un des plus jeunes conférenciers (34 ans) à cette rencontre prestigieuse à laquelle participaient des neuroscientifiques célèbres, dont plusieurs avaient déjà reçu, ou allaient bientôt recevoir, le prix Nobel de médecine et physiologie. Parmi cette brochette de chercheurs illustres, mentionnons Lord Edgar Adrian (1899-1977 ; prix Nobel 1932), Frédéric Bremer (1892-1982), Otto Detlev Creutzfeldt (1927-1992), Sir John Carew Eccles (1903-1997 ; prix Nobel 1963), Ragnar Granit (1900-1991 ; prix Nobel 1967), Herbert Henri Jasper (1906-1999), Giuseppe Moruzzi (1910-1986), Vernon Benjamin Mountcastle (1918-2015), Wilder Graves Penfield (1891-1976), et Roger Sperry (1913-1994 ; prix Nobel 1981).

À son retour au Canada, Marc Colonnier œuvra à titre de professeur-chercheur d’abord au Département d’anatomie de l’Université d’Ottawa et, par la suite, au Département de physiologie de l’Université de Montréal, pour finalement accepter le poste de directeur du Département d’anatomie de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, poste qu’il occupa de 1969 à 1976. Au milieu des années 1970, Louis J. Poirier lui fit miroiter la possibilité de joindre son groupe de recherche à Québec, tout en profitant d’un poste de professeur au Département d’anatomie de l’Université Laval. Marc Colonnier accepta cette offre et durant les dix années qu’il passa au Centre de recherche en neurobiologie (1975-1985), il réalisa des travaux expérimentaux remarquables visant à mesurer l’effet d’une privation visuelle, d’une part, et d’un enrichissement du milieu environnant, d’autre part, sur l’organisation ultrastructurale du cortex cérébral. Il fut aidé dans ces recherches par quelques étudiants talentueux, dont Clairmont Beaulieu et John O’Kusky; le premier a depuis délaissé le domaine de la recherche biomédicale, mais le second occupe toujours un poste de professeur de neurosciences à l’Université de Colombie-Britannique.

Au cours de la décennie 1980 et de la première moitié des années 1990, six chercheurs ayant acquis, pour la majorité d’entre eux, leur expertise à l’extérieur du Centre de recherche en neurobiologie, seront recrutés à l’Université Laval et viendront joindre les rangs des membres réguliers du Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Il s’agit de Carol L. Richards, Francine Malouin et Richard Hawkes (Fig. 14), de Martin Deschênes (Fig. 7), et de Charles Capaday et Jean-Jacques Soghomonian (Fig. 15).

Carol L. Richards, une spécialiste en neuro-réadaptation, apporta au Centre de recherche en neurobiologie une expertise unique en ce qui a trait à l’étude du comportement moteur, principalement la marche, chez l’humain, et ce tant dans des conditions normales que pathologiques. Physiothérapeute formée initialement à l’Université McGill, elle a obtenu une maîtrise en réhabilitation médicale de l’Université de Saskatchewan en 1972 et un doctorat en chirurgie expérimentale de l’Université McGill en 1980. Recrutée à l’Université Laval au début des années 1980, elle mettra sur pied, au Centre de recherche en neurobiologie, une unité à la fine pointe du domaine de l’évaluation motrice et de la réadaptation, ce qui lui permettra de devenir une pionnière de la recherche en physiothérapie au Canada. Elle sera titulaire de la Chaire de recherche en paralysie cérébrale de l’Université Laval. Carol L. Richards contribuera à créer le Département de physiothérapie de l’Université Laval et elle en sera la toute première directrice.

Francine Malouin, une physiothérapeute diplômée de l’Université de Montréal, obtiendra d’abord une maîtrise en anatomie de cette même Institution avant de se voir décerner un doctorat en neurobiologie de l’Université Laval en 1982, suite à des travaux réalisés sous la direction de Paul J. Bédard et portant sur les corrélations anatomiques, physiologiques et pharmacologiques de la dystonie cervicale (voir § 6). Elle deviendra une spécialiste de l’étude de la posture et de la locomotion chez l’enfant et l’adulte souffrant de déficiences neurologiques. Carol L. Richard et Francine Malouin formeront plusieurs étudiants et étudiantes de haut niveau, dont Hélène Moffet qui dirige présentement le Département de réadaptation de l’Université Laval.

Figure 14. De gauche à droite : Carol L. Richards, Francine Malouin et Richard Hawkes

D’origine anglaise, Richard Hawkes travaillait à l’Institut Friedrich-Miescher de Bâle en Suisse lorsque nous l’avons recruté au Centre de recherche en neurobiologie en 1984. Spécialiste de la production et de l’utilisation d’anticorps monoclonaux pour l’identification de nouvelles protéines neuronales, il avait déjà acquis une réputation internationale grâce à des publications marquantes parues dans des revues prestigieuses [28]. Au cours de la décennie où il œuvra au Centre de recherche en neurobiologie, il appliquera cette nouvelle approche méthodologique à l’étude de l’organisation modulaire du cervelet. Il formera quelques étudiants talentueux, dont Nicole Leclerc, présentement professeur à l’Université de Montréal, Audrius V. Plioplys, neurologue-pédiatre originaire de Toronto mais qui a principalement œuvré à Chicago, et Claude Gravel, qui allait devenir un élément important du réseau des neurosciences à Québec (voir § 9). Au début des années 1990, Richard Hawkes accepta le poste de directeur du Département d’anatomie et de biologie cellulaire que lui offrait l’Université de Calgary ; il œuvre toujours à titre de professeur-chercheur au sein de ce département.

C’est vers 1985 que Martin Deschênes (voir § 5) décide de quitter le Laboratoire de physiologie du Pavillon Ferdinand-Vandry, où il avait travaillé en collaboration avec Mircea Steriade pendant une décennie, et d’installer ses laboratoires au Pavillon Notre-Dame de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. C’est là, au Centre de recherche en neurobiologie qu’il entreprendra de nouvelles recherches visant à élucider le rôle des projections ascendantes du tronc cérébral, particulièrement celles utilisant l’acétylcholine comme neurotransmetteur, sur le fonctionnement des neurones thalamiques. En collaboration avec l’un de ses stagiaires de recherche, il développera une nouvelle méthode de marquage unitaire des neurones qui permettra une étude approfondie des relations thalamo-corticales. Tout en poursuivant un programme de recherche dont l’originalité et la pertinence lui ont valu d’être subventionné sans interruption par les IRSC, Martin Deschênes jouera un rôle déterminant dans l’établissement des stratégies de recrutement de nouveaux chercheurs en neurosciences à l’Université Laval. Il a lui-même formé plusieurs étudiants et stagiaires postdoctoraux, dont Bin Hu, un médecin d’origine chinoise qui est présentement professeur de neurosciences à l’Université de Calgary, Didier Pinault, un doctorant français qui occupe maintenant un poste de professeur en neurosciences à l’Université de Strasbourg, Elena Timofeeva (1962-2017), jusqu'à tout récemment chercheure à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, et Zong-wei Zhang, qui a travaillé avec nous pendant quelques années avant d’aller œuvrer au Jackson Laboratory aux USA (voir § 9)

Figure 15.  Charles Capaday (à gauche) et Jean-Jacques Soghomonian (à droite)

Pour sa part, Charles Capaday (Fig. 15) devint membre du Centre de recherche en neurobiologie en 1991. Électrophysiologiste formé initialement à l’Université McGill et à l’Université Western Ontario, il se spécialise en génie électrique à l’École Polytechnique de Montréal et obtient, en 1987, un doctorat en physiologie de l’Université d’Alberta suite à des travaux sur la génération des patrons de marche au niveau de la moelle épinière réalisés sous la supervision de Richard Stein. Il poursuit sa formation par des stages d’études postdoctorales, l’un à l’Université de Montréal, et l’autre à l’Université de Washington. Ses travaux à Québec ont porté principalement sur l’organisation fonctionnelle et les principes opérationnels du cortex moteur. Il a formé quelques étudiants talentueux, dont Hervé Devanne, actuellement professeur de neurosciences à l’Université de Lille, en France, et Christian Éthier, un spécialiste de la plasticité corticospinale et des interfaces neuroélectriques que l’on vient tout juste de recruter au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (voir § 10). En 2008, Charles Capaday a accepté un poste de professeur en ingénierie biomédicale à la Georg-August-Universität au Danemark.

Français d’origine et recruté au Centre de recherche en neurobiologie en 1992, Jean-Jacques Soghomonian (Fig. 15) avait été initié aux neurosciences à l’Université d’Aix-Marseille. Il a obtenu un doctorat en sciences neurologiques de l’Université de Montréal en 1989, suite à des études ultrastructurales de l’innervation à sérotonine du striatum réalisées sous la direction de Laurent Descarries (1939-2012), un neuroscientifique de grande notoriété à qui l’on doit la notion de transmission neuronale volume ou a-synaptique. Il est ensuite allé parfaire ses connaissances de l’organisation neurochimique des ganglions de la base à Philadelphie où il a travaillé avec Marie-Françoise Chesselet à l’Université de Pennsylvanie. À Québec, ses travaux ont porté principalement sur la régulation des gènes codant pour les précurseurs de certains peptides opiacés dans le striatum des primates. En 1998, il a accepté un poste au Département d’anatomie et de neurobiologie de la Faculté de médecine de l’Université de Boston où il œuvre toujours.

Par ailleurs, quatre anciens étudiants ayant été formés par l’un ou l’autre des membres du Centre de recherche en neurobiologie ont aussi été recrutés à l’Université Laval, principalement par l’entremise du Département d’anatomie et de physiologie, pour venir œuvrer, cette fois à titre de chercheur autonome, au sein du Centre de recherche en neurobiologie à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Il s’agit de Raymond Marchand, ainsi que d’Éric Philippe, Claude Rouillard et Yoland Smith (Fig. 16).

Raymond Marchand obtint un doctorat en neurobiologie de l’Université Laval en 1978, suite à des recherches supervisées par Louis J. Poirier, et il devint membre du groupe de recherche du Pavillon Notre-Dame au début des années 1980. Ses recherches, effectuées principalement à l’aide d’une méthode radioautographique permettant le marquage des neurones en prolifération, lui ont permis d’acquérir des informations nouvelles sur la neurogenèse de différents noyaux du tronc cérébral ainsi que de certaines composantes des ganglions de la base, dont le noyau subthalamique, la substance noire, et le noyau entopédonculaire. À partir du milieu des années 1990, il laissa progressivement le domaine de la recherche pour se consacrer essentiellement à l’enseignement de l’embryologie à la Faculté de médecine ; il est à la retraite de l’Université Laval depuis 2011.

Pour sa part, Éric Philippe a été recruté comme professeur-chercheur au Département d’anatomie de l’Université Laval en 1988. Il avait obtenu au préalable un doctorat en neurobiologie de l’Université Laval en 1984, suite à des travaux exécutés sous la supervision de Jacques P. Tremblay (voir § 6). Il était ensuite allé parfaire sa formation en recherche et en enseignement auprès de Bernard Droz (1930-2015), directeur de l’Institut d’embryologie et d’histologie de l’Université de Lausanne en Suisse. Bernard Droz est celui à qui l’on doit l’utilisation de divers marqueurs neuronaux radioactifs pour le traçage des voies nerveuses. Les travaux d’Éric Philippe au Centre de recherche en neurobiologie ont porté principalement sur l’organisation histologique, ultrastructurale et neurochimique de la moelle épinière, un sujet qui a été au centre d’un congrès international qu’il a organisé en 1991 à Québec. Peu après, Éric Philippe délaissa la recherche pour se consacrer entièrement à son autre passion, soit l’enseignement de l’histologie du corps humain. Grand pédagogue possédant une connaissance unique de son sujet de prédilection, il a connu une carrière exceptionnelle d’enseignant à la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il a récemment publié la première véritable encyclopédie histologique québécoise : un traité comprenant plus de 850 images et qui sert autant aux étudiants en médecine qu’aux spécialistes de l’histopathologie [29].

Claude Rouillard a obtenu un doctorat en neurobiologie de l’Université Laval en 1989 suite à des travaux dirigés par Paul J. Bédard et traitant de la modulation pharmacologique du système dopaminergique nigrostrié (voir § 6). Il a poursuivi sa formation en neuropharmacologie par des études postdoctorales au Center for Cell Biology à Detroit sous la direction de Arthur S. Freeman. Il est devenu professeur subventionnel au Département de pharmacologie de l’Université Laval en 1990 et a œuvré à titre de chercheur indépendant au Centre de recherche en neurobiologie jusqu’en 1996. Il y a initié un programme de recherche original principalement axé sur l’interaction entre le sous-groupe de récepteurs nucléaires de la famille NR4A et les systèmes neuronaux dopaminergiques. Il poursuit présentement ce programme de recherche au CHUL.

Figure 16.  De gauche à droite, Éric Philippe, Claude Rouillard et Yoland Smith

De son côté, Yoland Smith est devenu membre du Département d’anatomie et de physiologie de l’Université Laval en 1991. Il avait auparavant obtenu un doctorat en neurobiologie de la même Institution en 1988 suite à une étude neuroanatomique et immunohistochimique des ganglions de la base chez le singe écureuil que j’avais supervisée. Il a poursuivi sa formation par un stage d’études postdoctorales à l’Université d’Oxford sous la direction de J. Paul Bolam, une sommité de la morphologie des ganglions de la base. Il a travaillé comme chercheur au Centre de recherche en neurobiologie jusqu’en 1996, alors qu’il acceptait un poste à la Neuroscience Division de l’Université Emory à Atlanta où il œuvre toujours. Ces travaux comme chercheur autonome à Québec ont porté principalement sur l’organisation anatomique et fonctionnelle du complexe amygdalien et sur la localisation ultrastructurale des récepteurs glutamatergiques au sein des ganglions de la base chez les primates.

À partir du début des années 1980, croyant la pérennité de son centre assuré, Louis J. Poirier va s’investir davantage comme administrateur de la recherche, et ce tant au niveau québécois que canadien. Entre autres, il travaillera activement à la mise sur pied du Conseil de la recherche en santé du Québec (CRSQ), l’ancêtre du Fonds de la recherche en Santé du Québec (FRSQ), qui est devenu depuis le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQ-S). Il agira même comme président-directeur-général du CRSQ de 1978 à 1981. Ses fonctions administratives l’éloignent alors progressivement de la recherche active ainsi que de la direction de son laboratoire.

En 1985, Louis J. Poirier, amèrement déçu de son expérience dans l’administration, quitte la direction du Centre de recherche en neurobiologie et se retire définitivement à sa résidence de la région de l’Outaouais. Il y vivra, pendant près de 30 ans, tranquille et complètement à l’écart du domaine des neurosciences qui avait pourtant été au cœur de toute sa vie professionnelle. Perçu comme le successeur naturel de Louis J. Poirier à la direction du Centre de recherche en neurobiologie, Marc Colonnier n’occupera ce poste que pendant quelques mois. Homme d’une sensibilité extrême, exaspéré par l’aspect compétitif de la recherche, il décida de quitter définitivement ce secteur d’activité pour s’orienter vers l’enseignement à la Faculté de médecine. Il détiendra cette position pendant près de cinq ans avant de prendre sa retraite définitive en 1991.

Pris de court, mes collègues chercheurs décidèrent de m’offrir alors la possibilité d’assumer la direction du Centre de recherche en neurobiologie. Face à l’urgence de la situation, j’ai accepté cette offre en 1985 et ma nomination à titre de directeur scientifique fut rapidement confirmée par les autorités compétentes. J’ai alors présidé aux destinées du centre qu’avait fondé mon mentor, avec l’appui de Gilles Grenon comme adjoint administratif, de 1985 à 1991, période durant laquelle le Centre subit avec succès deux évaluations statutaires par le FRSQ, en plus de se voir attribué un octroi de fonctionnement de centre additionnel du Fonds pour la formation des chercheurs et l’aide à la recherche (Fonds FCAR), devenu depuis le Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies (FQRNT). Afin de pouvoir me consacrer davantage à mes recherches, j’ai laissé la direction scientifique du Centre de recherche en neurobiologie à la fin de l’année 1991. C’est mon collègue Michel Filion qui m’a alors remplacé ; il a agi comme directeur scientifique du Centre de recherche en neurobiologie de 1992 à 1996.

 

Chapitre 8: L’éclatement du Centre de recherche en neurobiologie

Au milieu des années 1990, les autorités politiques québécoises décident de fusionner certains des plus importants hôpitaux de Québec afin de créer un centre hospitalier universitaire (CHU) d’envergure où seront concentrées les activités médicales hyperspécialisées de niveau tertiaire de la région. La décision du choix des hôpitaux qui feront partie du futur CHU de Québec est alors laissée à la Régie régionale de la santé et des services sociaux, ce qui entraîna un effroyable remue-ménage qui allait avoir des conséquences majeures sur le fonctionnement et l’existence même des centres de recherche affiliés aux différents hôpitaux de la région de Québec.

Figure 17.  De gauche à droite, Louis Larochelle, doyen de la Faculté de médecine de 1994 à 1998 et Gaston Pellan, directeur général de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de 1975 à 2001.

C’est dans ce contexte qu’en 1996, un différend administratif entre le doyen de la Faculté de médecine, Louis Larochelle, et le directeur général de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, Gaston Pellan (Fig. 17), s’est soldé par la dissolution du Centre de recherche en neurobiologie, alors sous la gouverne de Michel Filion. L’événement s’est produit lors de la visite d’évaluation du Centre de recherche par le FRSQ alors que, à la surprise générale, l’administration de la Faculté de médecine annonce aux membres du comité visiteur, présidé par Yves Lamarre, un éminent neuroscientifique de l’Université de Montréal, qu’elle retire son appui au Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Ainsi privé de son centre de recherche, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus perdait son statut universitaire, ce qui le disqualifiait définitivement comme membre éventuel du futur CHU de Québec. En posant ce geste, Louis Larochelle mettait fin à l’existence du Centre de recherche en neurobiologie dont il avait lui-même fait partie et qui avait été fondé par son mentor, Louis J. Poirier, qui avait mis en lui toute sa confiance. Ainsi, quelques mois de joutes politiques ont suffi pour mettre fin à un centre de recherche qui avait mis trente ans à s’édifier.

Tout en montrant la très grande fragilité des institutions hospitalo-universitaires, principalement des centres de recherche situés en milieu hospitalier, cet événement força les chercheurs du Centre de recherche de recherche en neurobiologie à se trouver un nouveau milieu d’accueil et fut à l’origine d’une véritable diaspora des neurosciences à Québec. La majorité des chercheurs opta pour le CHUL, autour duquel allait s’organiser le futur Centre Hospitalier Universitaire. Ce fut le cas de Paul J. Bédard, Michel Filion, Jacques P. Tremblay, Jean-Jacques Soghomonian et Claude Rouillard. Pour leur part, Carol L. Richards et Francine Malouin s’orientèrent vers l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ) où elles participèrent activement à la création du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS). Certains quittèrent tout simplement Québec, comme Yoland Smith qui accepta un poste au Yerkes Primate Center de l’Université Emory à Atlanta, peu avant le démantèlement du Centre de recherche en neurobiologie. Les derniers chercheurs acceptèrent l’offre que leur fit Michel Maziade de joindre le Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard; ce fut le cas de Martin Deschênes et moi.

Ainsi, ce qui avait été au départ un évènement traumatisant, se transforma progressivement en un puissant agent de stimulation et de restructuration dont les retombées ne se firent pas attendre. En effet, la dispersion des membres du Centre de recherche en neurobiologie dans divers milieux du réseau des neurosciences de l’Université Laval rendit ces chercheurs encore plus performants tout en assurant une forme de régénérescence de leur programme de recherche grâce à l’établissement de nouvelles collaborations scientifiques. D’un point de vue structural, cette dissémination a conduit : (1) à la création d’un nouveau centre de recherche en réadaptation à l’IRDPQ, le CIRRIS, toujours bien vivant aujourd’hui, (2) à la dynamisation de l’Unité de recherche en neurosciences au CHUL, et (3) à l’établissement d’un secteur de neurosciences fondamentales au Centre de recherche Université Laval-Robert Giffard, dont les activités étaient, au départ, principalement orientées vers la recherche clinique en santé mentale.

Contrairement à toute prédiction, le Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus allait survivre aux évènements de 1996 et ce grâce à la fusion de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et de l’Hôpital du Saint-Sacrement qui deviennent le Centre hospitalier affilié (CHA). À l’époque, l’Hôpital du Saint-Sacrement abritait un centre de recherche actif dirigé par François A. Auger et connu sous l’appellation Laboratoire d’organogenèse expérimentale (LOEX). On assista alors à une migration progressive du LOEX (dont les activités de recherche concernaient le génie tissulaire cutané, cardiovasculaire et microvasculaire) à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, où il en vint à occuper un tout nouvel édifice qui avait déjà été ébauché par les chercheurs du Centre de recherche en neurobiologie avant leur départ de cette Institution. Contre toute attente, le « nouveau » Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus bénéficia de la reconnaissance entière du FRSQ et des autorités universitaires, avant qu’il ne soit absorbé, en 2012, dans l’immense Centre de recherche du CHU de Québec. Cependant, pour ce qui est des neurosciences, l’avenir se trouvait désormais ailleurs.

 

Chapitre 9: Neurosciences et santé mentale

En 1996, Martin Deschênes et moi quittons le Centre de recherche en neurobiologie de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus pour nous joindre au Centre de recherche Université Laval-Robert Giffard (CRULRG). Nous répondions alors positivement à l’invitation de Michel Maziade (Fig. 18), directeur-fondateur de cette nouvelle entité principalement orientée vers l’étude des maladies psychiatriques. Nous emménageons donc avec nos équipements et tous les membres de nos équipes de recherche respectives dans des locaux au départ relativement exigus et situés dans les étages supérieurs de l’aile F de l’immense édifice autrefois appelé Hôpital Saint-Michel Archange. Ce sera là le début d’une symbiose extrêmement fructueuse entre les neurosciences fondamentales et la recherche cliniques et épidémiologiques sur les maladies mentales. Peu de temps après ce déménagement, Charles Capaday, qui avait d’abord opté pour l’Unité de recherche en neurosciences du CHUL, décida de suivre ses deux collègues au CRULRG.

Figure 18.  À gauche, Michel Maziade, directeur-fondateur du
Centre de recherche Université Laval-Robert Giffard.

À droite, Réjean Cantin, directeur général de l’Hôpital Robert-Giffard.

Créé sous l’impulsion de Michel Maziade par l'Université Laval et son Département de psychiatrie, en collaboration étroite avec l'Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur et le Centre hospitalier Robert-Giffard, le CRULRG a été le tout premier réseau officiel de recherche adulte et infantile sur les maladies du cerveau, les troubles sévères de comportement et les maladies psychiatriques. Partageant la volonté de développer la recherche sur le cerveau et la santé mentale, le Centre hospitalier Robert-Giffard et l’Université Laval ont créé le CRULRG sous forme d’une corporation sans but lucratif. Ce centre de recherche monothématique unique à Québec a vu le jour en 1987 grâce aux efforts de Michel Maziade, professeur au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine, avec l’appui de Réjean Cantin (Fig. 18), qui agira pendant de nombreuses années à titre de directeur général du Centre Hospitalier Robert-Giffard et de président du Conseil d’administration du CRULRG. Sous la gouverne de Michel Maziade, pédopsychiatre et pionnier de la recherche en génétique psychiatrique, le CRULRG connaîtra une progression fulgurante grâce aux efforts concertés des chercheurs cliniciens et fondamentalistes. Il sera progressivement intégré au réseau des centres de recherche québécois financés par le FRSQ et, en 1999, la Commission de la recherche de l’Université Laval reconnaîtra sa pertinence en lui conférant le titre de centre facultaire, sous l’appellation Centre de recherche sur le cerveau, le comportement et la neuropsychiatrie (CRCN). À partir des années 2000, grâce aux subventions substantielles obtenues par les chercheurs du CRULRG auprès de la Fondation Canadienne pour l’Innovation, de nouveaux espaces de laboratoires et d’animalerie seront aménagés à même les locaux du Centre Hospitalier Robert Giffard. Ces laboratoires neufs seront pourvus de très nombreux équipements de pointe, ce qui permettra au CRULRG d’attendre les plus hauts standards internationaux dans le domaine de la recherche en neurosciences et santé mentale.

Pionnier de la génétique psychiatrique, Michel Maziade poursuit un programme de recherche novateur visant à déterminer les bases génétiques et neuro-développementales de certaines maladies psychiatriques, dont la schizophrénie et les troubles bipolaires.  Ces recherches ont été à la base des activités du CRULRG à son origine. Avec son équipe, qui comprenait au départ quelques psychiatres seniors, dont Jacques Thivierge, et plusieurs résidents en psychiatrie, il a pu démontrer, entre autres, l’existence de gènes de susceptibilité communs à la schizophrénie et la maladie bipolaire. Plus tard, avec l’arrivée de nouveaux collaborateurs, Michel Maziade s’est appliqué à combiner la psychopathologie développementale, la neuropsychologie, l’électrorétinographie et la génétique familiale. Cette approche unique lui a permis de découvrir que les enfants à risque de schizophrénie et de maladie bipolaire affichent des dysfonctions cognitives et physiologiques présentes chez les patients adultes [30]. L’analyse de la trajectoire de risque de ces enfants ouvre à Michel Maziade et à son équipe de nouvelles perspectives en termes de recherche préventive et d’intervention pour ces enfants. Son programme de recherche a pris une amplitude considérable et lui a valu une reconnaissance internationale.

À différent temps au cours de l’évolution du CRULRG, plusieurs chercheurs de haut niveau se sont intégrés aux secteurs d’épidémiologie, de psychiatrie génétique et de recherche clinique et évaluative développés par Michel Maziade. Parmi ceux-ci, notons, entre autres, Marc-André Roy, Chantal Mérette et Marc Hébert (Fig. 19), qui, en plus de leurs apports comme chercheur, ont contribué significativement à la direction et au développement du centre de recherche.

Marc-André Roy, psychiatre formé initialement à l’Université Laval et détenteur d’une maîtrise en épidémiologie psychiatrique de l’Université d’Iowa (1991), a effectué un stage de recherche sous la direction de Michel Maziade de 1989 à 1991. De 1991 à 1994, il a œuvré à titre de chercheur associé au sein de l’équipe de Michel Maziade pour finalement se joindre au Département de psychiatrie et au CRULRG en 1995. Ses travaux ont permis de développer une nouvelle approche intégrée appliquée à l’étude des bases génétiques de certaines maladies psychiatriques complexes, comme la maladie bipolaire, la schizophrénie, l’alcoolisme et l’autisme. Parmi les étudiants qu’il a aidé à former, notons Caroline Cellard et Amélie Achim (voir § 10B). De 2001 à 2013, Marc-André Roy a dirigé l’axe de recherche clinique et évaluative du CRULRG.

Chantal Mérette s’est associée au CRULRG en 1992. Statisticienne diplômée de l’Université Laval, elle est allée parfaire sa formation en biostatistique à l’Université de Londres, en Angleterre, de 1986 à 1992. Recrutée au Département de psychiatrie en 1992, elle a immédiatement mis sur pied un laboratoire de biostatistique et de génétique psychiatrique qui joua un rôle crucial dans le développement des travaux de l’unité de recherche en psychiatrie génétique. Elle deviendra membre du Comité de direction du CRULG à partie de 2013.

Marc Hébert a été formé initialement en psychologie à l’Université d’Ottawa. Il a obtenu un doctorat en neurosciences de l’Université de Montréal en 1998 et, de 1999 à 2001, il s’est spécialisé en effectuant des stages d’études postdoctorales en psychologie à l’Université Rush à Chicago et en ophtalmologie et psychiatrie à l’Université d’Alberta. Il été recruté au Département d’oto-rhino-laryngologie et ophtalmologie de l’Université Laval en 2001 et s’est joint au CRULRG en 2004. Son expertise en ce qui a trait à la chronobiologie, la dépression hivernale et l’élecrorétinographie apporta un nouveau souffle aux travaux de groupe de recherche clinique. Il agira à titre de directeur de l’axe de recherche clinique et évaluative du CRULRG à partir de 2013.

  

Figure 19.  De gauche à droite : Marc-André Roy, Chantal Mérette, Marc Hébert et Charles Morin

L’École de psychologie de l’Université Laval contribua de façon significative au développement du CRULRG. Parmi les premiers professeurs relevant de cette entité universitaire et dont les travaux de recherche vont être étroitement associé au CRULRG, notons, entre autres, Célyne Bastien, une experte des troubles du sommeil, Michèle Clément, une anthropologue spécialisée dans les questions relatives à l’inclusion sociale et à l’organisation des services de santé mentale, Robert Ladouceur, une sommité dans le domaine du jeux pathologique, et Charles Morin (Fig. 19), reconnu mondialement pour son expertise sur l’insomnie. Il a développé une unité de recherche sur les anomalies du cycle éveil-sommeil au Pavillon Landry-Poulin de l’Hôpital Robert-Giffard. L’excellence des travaux cliniques qui y sont effectués a contribué à la reconnaissance internationale du CRULRG, ainsi que celle de l’École de psychologie, dans ce domaine des neurosciences humaines. On doit à Charles Morin plusieurs traités magistraux sur les troubles du sommeil [31].

Le CRULRG ayant été créé au départ essentiellement pour la recherche clinique portant sur les maladies psychiatriques, le démarrage du secteur des recherches fondamentales au sein de ce centre sera plus lent que celui de la recherche clinique. Les chercheurs Vincent Raymond et Martin Godbout sont les tout premiers fondamentalistes à avoir œuvré au CRULRG, mais leur séjour au centre fut relativement bref. Ce ne fut pas le cas de Claude Gravel qui allait devenir un des piliers du centre pour ce qui est des neurosciences fondamentales.

Claude Gravel (Fig. 20) a obtenu, en 1989, un doctorat en neurobiologie de l’Université Laval suite à des travaux supervisés par Richard Hawkes (voir § 8). Par la suite, il alla parfaire sa formation en effectuant deux stages d’études postdoctorales, l’un en biologie moléculaire à l’Institut de recherche clinique de Montréal et l’autre en neurogénétique moléculaire à l’Université Harvard. En 2002, il fut recruté au Département de psychiatrie et immédiatement intégré au CRLRG à titre de chercheur indépendant. Dès son arrivée au CRULRG, il mit sur pied un laboratoire de transfert de gènes qui allait devenir, par la suite, une plateforme d’outils moléculaires utilisée par de nombreux chercheurs du centre. Son expertise en ce qui a trait aux mécanismes d'action et au potentiel thérapeutique de certaines substances, principalement les facteurs neurotrophiques, dans la pathophysiologie de certaines maladies neurologiques dégénératives et des traumatismes de la moelle épinière allait s’avérer cruciale. Parmi ces nombreuses réalisations, mentionnons la démonstration du fait que le transfert du facteur neurotrophique ciliaire (CNTF) par vecteur viral et son expression dans la rétine de souris souffrant de rétinite pigmentaire prévient la perte des bâtonnets. Au point de vue administratif, Claude Gravel a joué un rôle important au sein du Comité de direction du CRULRG de 2001 à 2013. Parmi les étudiants qu’il a formé, mentionnons Michel Cayouette qui occupe présentement le poste de directeur du Département de neurobiologie cellulaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal.

François Y. Doré et Sonia Goulet (Fig. 20), deux chercheurs de l’École de psychologie se joignirent au CRULRG, le premier en 1996 et la seconde en 1998, soit peu de temps après l’arrivée de Martin Deschênes, Charles Capaday et moi-même [André Parent]. François Y. Doré était déjà connu des chercheurs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus puisqu’il y avait initié certains travaux préliminaires sur la cognition chez le singe écureuil. Au CRULRG, François Y. Doré et Sonia Goulet collaborèrent activement à différentes recherches impliquant des modèles animaux de certaines pathologies humaines, dont l’amnésie et la schizophrénie. Ils étudièrent plus spécifiquement l’effet de lésions du fornix et de l’hippocampe sur la mémoire spatiale, ainsi que les conséquences d'une exposition sous-chronique à la phencyclidine sur les symptômes positifs hyper-dopaminergiques apparentés à la schizophrénie chez le rat. Ces travaux préfiguraient ce qui allait devenir l’une des caractéristiques de la programmation scientifique du CRULRG, soit celle d’aborder la pathophysiologie des maladies psychiatriques à l’aide d’une approche combinant recherche clinique et recherche fondamentale. François Y. Doré et Sonia Goulet ont contribué à la formation de plusieurs étudiants talentueux, dont Carol Hudon (voir chapitre 10), et Olivier Potvin.

Martin Deschênes, Charles Capaday et moi [André Parent] continuâmes les travaux de recherche que nous avions initiés à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, tout en jetant un regard neuf sur les apports possibles des neurosciences fondamentales à la compréhension des aspects cognitifs du fonctionnement cérébral. Martin Deschênes démarra un tout nouveau programme de recherche visant à mieux comprendre le fonctionnement du système des vibrisses chez le rat. Dans mon cas, j’ai profité de mon arrivée au CRULRG pour développer davantage la banque de cerveaux humains que j’avais initiée à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus.  L’ajout de cerveaux de patients ayant souffert de troubles neuropsychiatriques de différentes natures viendra enrichir significativement cette banque dont l’existence sera reconnue formellement par le comité d’éthique de l’Hôpital Robert-Giffard. Cette banque contient maintenant plus de 500 cerveaux provenant d’individus ayant souffert de maladies neurodégénératives ou de divers troubles neuropsychiatriques.

 

Figure 20.  De gauche à droite : Claude Gravel, Sonia Goulet, François Doré et Zhong-wei Zhang.

À Martin Deschênes, Charles Capaday et moi-même viendra bientôt se joindre Zhong-wei Zhang (Fig. 20), un jeune neurophysiologiste spécialisé dans l’étude de la signalisation neuronale de type cholinergique. Formé d’abord à Paris, sous Paul Feltz (1942-1996), il travailla ensuite à l’Université de Californie à San Diego sous la supervision de Darwin Berg. Il se joignit au CRULRG en 1996 pour y travailler d’abord comme stagiaire postdoctoral sous la direction de Martin Deschênes avant de devenir chercheur autonome. Ces travaux ont porté principalement sur l’organisation anatomique et fonctionnelle de la microcircuiterie des relations thalamo-corticales. Il a quitté le CRULRG en 2005 pour un poste de chercheur au Jackson Laboratory dans le Maine, où il œuvre toujours.

En 2000, le CRULRG procède à une première phase majeure de recrutement de nouveaux chercheurs. Cinq chercheurs de calibre international œuvrant à l’extérieur de Québec sont recrutés, presque tous en même temps, au Département de psychiatrie. Il s’agit d’Yves De Koninck, Paul De Koninck, Attila Sík, Katalin Tóth et Luca Pellegrini (Fig. 21).

 

 

Figure 21.  Rangée du haut, de gauche à droite : Yves De Koninck, Paul De Koninck et Attila Sík.

Rangée du bas, de gauche à droite : Katalin Tóth et Lucas Pellegrini.

Yves De Koninck occupait un poste de professeur adjoint au Pharmacology & Therapeutics Department de l’Université McGill depuis 1995 lorsqu’il a été recruté à l’Université Laval grâce aux efforts concertés de Michel Maziade et du recteur de l’Université Laval, François Tavenas (1942-2004). Suite à l’obtention d’un doctorat en neurosciences à l’Université McGill en 1991, sous James L. Henry, un spécialiste de l’étude des bases moléculaires de la nociception, il effectue deux stages d’études postdoctorales, l’un à l’Université Stanford et l’autre à l’Université du Texas, Dallas. Ces deux périodes de formation furent dirigées principalement par d’Istvan Mody, un spécialiste de la signalisation synaptique et de la régulation intracellulaire de l’homéostasie calcique. Dès son arrivée à Québec, Yves De Koninck établira un laboratoire à la fine pointe du domaine, ce qui lui permettra d’entreprendre des études remarquables sur les mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent le phénomène de la douleur chronique. Il établira des liens étroits avec des physiciens de la Faculté des sciences et génie et, grâce à cette collaboration ainsi qu’au support financier des Instituts de la recherche en santé du Canada (IRSC), il créera, au sein même du CRULRG, un Centre de neurophotonique qui connaîtra un essor extraordinaire. Ce centre, unique au monde, assure une collaboration étroite entre physiciens et ingénieurs, d’une part, et neuroscientifiques et cliniciens, d’autre part, afin d’exploiter les possibilités immenses qu’offre la lumière pour visualiser l’activité neuronale in vivo et en temps réel, ainsi que pour détecter des anomalies fonctionnelles du système nerveux central à l’aide de sondes optiques très perfectionnées.

Paul De Koninck a obtenu un doctorat en neurobiologie de l’Université McGill en 1995 suite à des travaux effectués sous la direction de Ellis Cooper et Salvatore Carbonetto. De 1995 à 2001, il effectua un stage d’études postdoctorales en neurobiologie à l’Université Stanford et se joindra comme professeur adjoint au Département de Biochimie et de microbiologie de la Faculté des sciences et de Génie de l’Université Laval en 2001, avec en poche une subvention du Fonds Burroughs Wellcome (USA). Au CRULRG, il s’est immédiatement intégré à l’axe de recherche en neurosciences cellulaires et moléculaires où il a fait profiter ses collègues de sa grande expertise dans le domaine de la signalisation synaptique et du remodelage par la protéine kinase II (CaMKII). Il a alors réalisé une série d’expériences remarquables à l’aide de méthodes permettant d’imager, en temps direct, des cellules vivantes pour démontrer le rôle de la CaMKII dans le développement et la plasticité synaptique.

Attila Sík, détenteur d’un doctorat en neurosciences de l’Université Semmelweis en Hongrie, a complété sa formation de neuromorphologiste et d’électrophysiologiste à l’Université Rutgers au New Jersey. Par la suite, il est retourné dans son pays d’origine où il a occupé un poste de Senior Research Fellow à l’Institut de médecine expérimentale de l’Académie des sciences de Hongrie jusqu’en 2000. C’est à ce moment que nous l’avons recruté au Département de psychiatrie de l’Université Laval. Au CRULRG, il a fait profiter ses collègues de son expertise unique en ce qui a trait à l’utilisation de la microscopie électronique pour approfondir l’étude de la microcircuiterie de l’hippocampe. Il nous a quitté en 2008 pour un poste de professeur de neurosciences cellulaires à l’Université de Birmingham. Il est présentement directeur de l’Institut des découvertes transdisciplinaires à la Faculté de médecine de l’Université de Pecs en Hongrie.  

Katalin Tóth s’est vu décerner un doctorat en neurosciences en 1995 par la Lorand Eotvos University de Hongrie suite à des travaux dirigés par Tamas Freund, un neuroscientifique reconnu internationalement pour ses recherches sur l’organisation anatomique et fonctionnelle du cortex cérébral. De 1995 à 2000, elle a effectué un stage postdoctoral au Laboratoire de neurobiologie cellulaire et moléculaire de Christopher J. McBain au NIH (Washington). Recrutée au Département de psychiatrie en 2000, Katalin Tóth a mis sur pied un laboratoire où elle fait usage de l’électrophysiologie et la pharmacologie couplées à la microscopie optique et électronique afin de mieux comprendre la microcircuiterie et la plasticité synaptique au sein de la formation de l’hippocampe. Elle a été la première à démontrer le rôle joué par le zinc dans la neurodégénérescence et la neuroprotection à la suite de crises d’épilepsie. 

Figure 22. Le Comité de direction du CRULRG au début des années 2000.

De gauche à droite : l’auteur [André Parent], Marc-André Roy, Michel Maziade et Yves De Koninck

Italien d’origine, Luca Pellegrini a obtenu un doctorat en biologie moléculaire de l’Université de Strasbourg en France en 1994 suite à des travaux dirigés par Bernard Fritig. Il a ensuite effectué trois stages d’études postdoctorales, le premier au Carnegie Institute de Washington, le deuxième au National Research Council en Italie et le troisième au Laboratoire de biologie moléculaire, cellulaire et computationnelle dirigé par Luciano D’Adamio au NIH. Spécialiste de la biologie moléculaire des mitochondries et de la protéolyse intra-membranaire régulée, il a découvert un nouveau processus métabolique impliqué dans l’apoptose et faisant appel à la protéine béta-amyloïde liée à la maladie d’Alzheimer. Ses recherches actuelles portent principalement sur la dynamique des relations entre les mitochondries et le réticulum endoplasmique en conditions normales et pathologiques.

L’arrivée de ces cinq nouveaux chercheurs a conduit Michel Maziade à revoir l’organisation et la composition du Comité de direction de son Centre de recherche (Fig. 22). Il a alors été convenu de regrouper la quarantaine de chercheurs du CRULRG au sein de quatre unités distinctes : (1) l’Unité de psychiatrie génétique, dirigée par Michel Maziade, (2) l’Unité de recherche évaluative et clinique, sous l’égide de Marc-André Roy, (3) l’Unité de neurobiologie systémique, placée sous ma direction, et (4) l'Unité de neurobiologie cellulaire et moléculaire, dirigée par Yves De Koninck. Claude Gravel complète cette équipe de direction à titre d’adjoint administratif.

 

Chapitre 10: Les neurosciences à l’Institut universitaire en santé mentale

En 2006, le Centre hospitalier Robert-Giffard a été désigné Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) par le ministre de la Santé et des Services sociaux. À la fin de 2011, suite à une orientation du ministère de la Santé et des Services sociaux favorisant l’intégration dans l’organisation hospitalière des centres de recherche ayant une structure juridique distincte, une convention de cession des actifs a été ratifiée qui conduisit à l’incorporation de l’ensemble des activités de recherche, les ressources financières et matérielles du Centre de recherche à l’IUSMQ. En septembre 2012, l’Université Laval et l’IUSMQ ratifiaient le contrat d’affiliation fournissant le cadre général de planification, de définition et d’allocation des ressources nécessaires aux activités universitaires de ce centre que l’on désigna sous le terme Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ).

En 2013, Michel Maziade, désireux de se replonger totalement dans ses recherches qui prenaient de plus en plus d’ampleur, décide de laisser la direction du Centre de recherche qu’il avait fondé plus d’un quart de siècle plus tôt. Un Comité de nomination est alors désigné et, sous la direction conjointe de Simon Racine, directeur général de l’IUSMQ, et de Sophie D’Amours, vice-rectrice à la recherche et à la création de l’Université Laval, le Comité annonce le poste et procède à une consultation générale. Suite à cette consultation, le Comité de nomination choisit de confier à Yves De Koninck la direction scientifique du CRIUSMQ.

Le changement de désignation du Centre de recherche – de CRULRG en CRIUSMQ – survenu en 2006, n’a rien altéré de sa vitalité, bien au contraire. Grâce aux efforts consentis par Yves De Koninck et son nouveau comité de direction, de nombreuses subventions d’infrastructure ont été obtenues auprès de différents organismes, principalement la Fondation Canadienne pour l’Innovation (FCI). Le centre a ainsi pu continuer de s’approprier de nouveaux locaux dans l’aile F du pavillon principal de l’Hôpital, locaux qui sont transformés en espaces de laboratoire ou d’hébergement d’animaux équipés aux normes du jour. Parallèlement à cette expansion physique s’opère un recrutement de nouveaux chercheurs qui viennent compléter l’expertise scientifique déjà remarquable qui se trouvait sur place. Ce recrutement implique autant le secteur des neurosciences fondamentales que le celui de la recherche clinique (voir § 10A et 10B). Malheureusement, faute d’espace, je ne peux faire état ici de tous les chercheurs recrutés au cours de la période 2005 à 2017. Afin d’avoir un bilan plus complet, je suggère de consulter le site web du Centre de recherche. Le texte de la présente section se termine par un bilan provisoire des activités du CRIUSMQ, incluant une description du Centre de recherche CERVO (voir 10C).

A) Neurosciences fondamentales. Dans ce domaine, une vingtaine de chercheurs ont choisi de s’établir au CRIUSMQ durant la période 2005-2017.

Les premiers neuroscientifiques de cette nouvelle vague furent Igor Timofeev et Florin Amzica qui, en 2005, quittèrent leurs anciens laboratoires à la Faculté de médecine pour venir s’établir dans des locaux entièrement rénovés à l’IUSMQ. Ces deux neurophysiologistes spécialisés dans l’étude des mécanismes qui sous-tendent le cycle éveil-sommeil avaient été formés à l’École de Mircea Steriade (voir § 5). Leur venue au CRIUSMQ permettait donc de poursuivre une longue tradition de recherche en ce qui a trait aux mécanismes des états de vigilance établie à l’Université Laval en 1969 par Mircea Steriade. Ce dernier devait d’ailleurs lui-même se joindre à ses deux élèves au CRIUSMQ, mais son décès en 2004 mit brusquement fin à ce projet (voir § 5). Igor Timofeev est toujours un des chercheurs les plus actifs du CRIUSMQ alors que Florin Amzica a quitté le Centre en 2008 pour accepter un poste de professeur-chercheur à l’Université de Montréal.

Figure 23.  Rangée du haut, de gauche à droite :
Mohamed Chahine, Armen Saghatelyan et Daniel Côté.

Rangée du bas, de gauche à droite : Jean-Pierre Julien, Jasna Kriz et Pierre Marquet.

Au cours des années 2007 et 2008, trois nouveaux chercheurs en neurosciences fondamentales se joignirent au CRIUSMQ. Il s’agit de : (1) Mohamed Chahine (Fig. 23), rattaché au Département de médecine de l’Université Laval depuis 1993, un biologiste cellulaire expert dans le domaine des canaux sodiques et des canalopathies ioniques, (2) Armen Saghatelyan (Fig. 23), un arménien d’origine, spécialiste de la neurogenèse postnatale formé en Allemagne et en France et recruté à l’aide d’une Chaire canadienne de recherche en neurogenèse postnatale, et (3) Jean-Martin Beaulieu, un neurobiologiste qui s’est spécialisé dans l’étude des molécules signalétiques responsables de l’action de la dopamine à l’Université Duke, sous la direction de Marc Carron, et recruté grâce à une Chaire canadienne de recherche en psychiatrie moléculaire.

Au cours des années 2010 et 2011, pas moins de six chercheurs furent recrutés au CRIUSMQ. Il s’agit de : (1) Jean-Pierre Julien (Fig. 23), professeur de l’Université McGill recruté à l’Université Laval en 2003 pour sa très grande expertise dans plusieurs domaines des neurosciences, dont celui de la pathogenèse de la sclérose latérale amyotrophique, (2) Jasna Kriz (Fig. 23), une experte de l’imagerie cérébrale par bioluminescence rattachée au Département d’anatomie et de physiologie depuis 2004, (3) Edward Khandjian, professeur au Département de biologie médicale de l’Université Laval depuis 1990 et spécialiste de la biologie cellulaire du syndrome du chromosome X fragile, (4) Lisa Topolnik, une neurophysiologiste formée initialement en Ukraine et par la suite à l’Université de Montréal où elle a acquis une expertise unique en ce qui a trait aux mécanismes cellulaires et moléculaires régulant la signalisation calcique au sein des neurones corticaux, (5) Matthieu Guitton, formé initialement à l’Université de Montpellier, en France, et embauché à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval en 2006 ; il relève maintenant de la Faculté de médecine et ses recherches visent à élaborer de nouvelles approches pharmacologiques et comportementales pour certaines pathologies de la perception auditive, et (6) Daniel Côté (Fig. 23), professeur de génie physique et optique à l’Université Laval depuis 2006 et expert en biophotonique. Lisa Topolnik quitta le CRIUSMQ en 2015 pour le CHUL, alors que Jean-Martin accepta un poste à l’Université de Toronto en 2016, mais tous les autres chercheurs identifiés plus haut sont toujours actifs au sein du CRIUSMQ.

Plusieurs jeunes chercheurs ont aussi été recrutés au CRIUSMQ au cours des cinq dernières années. Parmi ceux-ci notons, entre autres, Martin Parent et Martin Lévesque, deux experts de l’organisation anatomique et du développement embryonnaire des ganglions de la base. Mentionnons aussi Nicolas Doyon du Département de mathématique et de statistique et Simon Hardy du Département d’informatique et de génie logiciel, dont l’expertise est mise à profit pour la modélisation mathématique de la communication neuronale. Plus récemment encore, Chantelle Sephton (protéines liées à l’ARN et neuro-dégénérescence), Christophe Proulx, (sérotonine et troubles affectifs), Benoit Labonté (aspects transcriptionnels et épigénétiques des troubles de l’humeur) et Christian Ethier (interfaces cerveau-ordinateur et plasticité neuronale) se sont aussi joints au CRIUSMQ. Tous ces jeunes chercheurs ont acquis une formation unique, chacun dans leur domaine respectif, suite à des études postdoctorales effectuées dans les plus grandes universités canadiennes et américaines. Notons en passant que Martin Lévesque et Christian Ethier ont débuté leur formation au Centre de recherche en neurobiologie et l’on complétée au CRIUSMQ ; je dirigeai moi-même les travaux du premier (voir § 6), alors que ceux du second étaient sous la supervision de Charles Capaday (voir § 7).

En 2015, suite à des efforts concertés de la direction du centre de recherche et du vice-rectorat à la recherche de l’Université Laval, le CRIUSMQ s’est vu octroyé une Chaire d’excellence en recherche du Canada en neurophotonique (2015-2021). Dotée d'un budget de 27 millions de dollars étalé sur sept ans, cette Chaire d'excellence est seulement la septième à être allouée au Québec, la troisième à l’Université Laval. Afin de la combler, le CRIUSMQ a recruté Pierre Marquet (Fig. 23), un pionnier de la microscopie holographique numérique. Ses recherches visent à développer des techniques optiques de pointe pour identifier de nouveaux biomarqueurs en explorant les cellules et les tissus cérébraux cultivés à partir de cellules souches de patients souffrant de diverses affections psychiatriques ou de jeunes à risque de développer ce type de maladie. Avant d’être nommé titulaire de la Chaire d’excellence, ce psychiatre et ingénieur physicien dirigeait une unité de recherche au Centre de neurosciences psychiatriques relevant du Département de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne, en Suisse. La venue de Pierre Marquet à Québec témoigne éloquemment du rayonnement international ainsi que du pouvoir attractif du CRIUSMQ, où l’on priorise les études transdisciplinaires favorisant ainsi les interactions entre chercheurs fondamentalistes et chercheurs cliniciens dans le domaine de la recherche sur le cerveau et les maladies mentales.

B) Neurosciences cliniques. Au cours des dix dernières années, au moins une quinzaine de chercheurs ont choisi d’œuvrer dans le domaine de la recherche clinique au CRIUSMQ. Ces chercheurs proviennent de différents horizons, mais beaucoup d’entre eux, particulièrement ceux relevant de l’École de psychologie, collaboraient déjà activement avec certains neuroscientifiques du CRIUSMQ avant de venir s’y établir définitivement. Nous ne mentionnerons ici que quelques-uns d’entre eux.

Alexandre Bureau, détenteur d’un doctorat en biostatistique de l’Université Berkeley et professeur adjoint à l’Université de Calgary, a été embauché au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval en 2005. Peu après, il s’est joint au groupe de recherche en génétique psychiatrique de Michel Maziade au CRIUSMQ. Ses recherches portent sur le développement de méthodes statistiques pour les analyses de données qui prennent en compte des phénotypes multidimensionnels et qui visent à identifier les causes génétiques de maladies complexes dans des études familiales. Carol Hudon (Fig. 24) a été recruté à l’École de psychologie en 2006 et il s’est intégré à l’axe de recherche évaluative et clinique du CRIUSMQ à la même période. Détenteur d’un doctorat en neuropsychologie de l’Université Laval suite à des travaux de recherche supervisés par François Doré (voir § 9), il s’est par la suite spécialisé en neurogériatrie à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Ses recherches portent sur l’évaluation neuropsychologique ainsi que le diagnostic précoce et la prévention du déclin cognitif au cours du vieillissement. Nancy Rouleau (Fig. 24), professeure à l’École de psychologie depuis 2003, s’est jointe au CRIUSMQ vers 2009. Experte de la psychopathologie cognitive développementale, plus précisément du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDA/H) et des psychoses majeures, ses recherches actuelles ont pour objet la caractérisation neuropsychologique du prodrome de la schizophrénie et de la maladie bipolaire chez les enfants à risque. Philip Jackson (Fig. 24), enseigne à l’École de psychologie depuis 2005. Il partage son temps de recherche entre le CRIUSMQ, le Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS) et le campus de l’Université Laval. Ses recherches portent sur la capacité du cerveau humain à se représenter les actions, la douleur et les états d’esprit d’autrui et il examine comment ces représentations mentales sont modifiées par l’apprentissage et les troubles neuropsychiatriques. Simon Duchesne (Fig. 24) est un ingénieur en physique qui a obtenu un doctorat en ingénierie biomédicale de l’Université McGill complété par un stage postdoctoral en imagerie cérébrale effectué à Rennes en France. Recruté au Département de radiologie et au CRIUSMQ en 2007, il utilise les plus récentes techniques d’imagerie cérébrale humaine afin de détecter des marqueurs précoces de la maladie d’Alzheimer. En collaboration avec Philip Jackson et Pascale Tremblay, il a mis sur pied le Consortium d’imagerie en neurosciences et santé mentale de Québec (CINQ). Joël Macoir détient un doctorat en linguistique de l’Université de Sherbrooke et enseigne au Département de réadaptation de l’Université Laval depuis 2001. Spécialiste en orthophonie, ses recherches au CRULRG concernent les troubles du langage et le traitement des nombres ainsi que l’interrelation entre la mémoire à long terme, le langage et le calcul chez les patients souffrant d’aphasie, de troubles cognitifs (maladie d’Alzheimer et autres démences) et de déficits moteurs (par ex. maladie de Parkinson).

Figure 24.  Rangée du haut, de gauche à droite :
Carol Hudon, Nancy Rouleau et Amélie Achim.

Rangée du bas, de gauche à droite :
Simon Duchesne, Shirley Fecteau et Philip Jackson.

Comme cela a été le cas pour le secteur des neurosciences fondamentales, plusieurs jeunes chercheurs du domaine clinique ont aussi été recrutés au CRIUSMQ au cours des cinq dernières années. Parmi ceux-ci notons deux psychologues formées initialement par Marc-André Roy (voir § 9), soit Amélie Achim (Fig. 24), qui s’intéresse aux processus qui sous-tendent la cognition et les interactions sociales chez les individus sains et les schizophrènes, et Caroline Cellard dont les travaux portent sur la remédiation cognitive en tant que catalyseur pour favoriser le rétablissement des usagers en santé mentale. Caroline Cellard est titulaire de la Chaire Richelieu de recherche sur la jeunesse, l’enfance et la famille. Les quatre autres recrues sont toutes rattachées au Département de réadaptation de l’Université Laval. Il s’agit de : (1) Shirley Fecteau (Fig. 24), titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroplasticité cognitive, dont les recherches, effectuées conjointement au CRIUSMQ et au CIRRIS, impliquent l’utilisation de différentes techniques, telles la stimulation magnétique et électrique transcrânienne, afin d’identifier les substrats cérébraux associés à différents processus cognitifs, principalement la prise de décision, (2) Pascale Tremblay, formée à l’Université McGill et à l’Université de Chicago et dont les travaux cherchent à mieux comprendre les mécanismes neuronaux de la communication humaine chez l’adulte et le vieillard, (3) Maximiliano Wilson, un diplômé de l'Université de Buenos Aires, en Argentine, dont les travaux exploitent des méthodes comportementales ainsi que des techniques d’imagerie cérébrale pour étudier l’évolution du langage et la sémantique au cours du vieillissement normal et pathologique, et (4) Laura Monetta, diplômée de l’Université de San Luis en Argentine et dont les recherches concernent l’évaluation et la rééducation chez les adultes souffrant de troubles acquis du langage de même que les aspects pragmatiques du langage lors du vieillissement.

C) Le Centre de recherche CERVO. Avec le recrutement de plus de 35 nouveaux chercheurs au cours des douze dernières années, Yves De Koninck a procédé, en 2013, à une réorganisation des axes de recherche du centre ainsi qu’à une révision de la composition du comité de direction afin de mieux refléter cette nouvelle réalité. D’une part, les chercheurs du secteur de neurosciences fondamentales ont été regroupés, selon leur expertise et thématique de recherche, au sein de deux axes, soit : (1) l’Axe de neurosciences cellulaires et moléculaires, dirigé par Paul De Koninck, et (2) l’Axe de neurosciences intégratives et thérapies expérimentales, géré par Jean-Pierre Julien. D’autre part, les chercheurs du secteur clinique ont été rassemblés à l’intérieur d’un seul et même axe, soit l’Axe de neurosciences cliniques et cognitives, placé sous la gouverne de Marc Hébert. En ce qui a trait au comité de direction du CRIUSMQ, le nouveau directeur scientifique, Yves De Koninck, a remplacé Michel Maziade à titre de président et les principaux membres du comité sont les trois directeurs d’axe, soit Jean-Pierre Julien, Marc Hébert et Paul De Koninck, ainsi que Chantal Mérette.

En avril 2015, l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ), de même que dix autres établissements de santé, dont l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ) et son Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS), ont été englobés dans une nouvelle superstructure administrative que l’on appelle Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale nationale. Face à ces continuels remaniements administratifs, qui ne tiennent nullement compte de la composante recherche des institutions concernées, et dans l’espoir que son centre de recherche conserve une identité qui lui soit propre et reconnu au niveau national et international, Yves De Koninck et son comité de direction décidaient, en 2017, de changer le nom du CRIUSMQ pour celui de Centre de recherche CERVO de l’IUSMQ.

CERVO est aujourd’hui l’un des plus importants centres de recherche en neurosciences et santé mentale au Canada. Parmi tous les centres canadiens relevant de ce thème, il est celui qui a connu la croissance la plus rapide au cours des quinze dernières années. Le centre de recherche CERVO regroupe une soixantaine de chercheurs réguliers relevant de différents départements au sein de trois facultés distinctes de l’Université Laval, soit Médecine, Science et Génie et Sciences Sociales. Ces chercheurs très performants sont à la tête d’un contingent d’environ 400 personnes – étudiants à la maîtrise et au doctorat, stagiaires postdoctoraux, résidents et internes ainsi que personnel technique hautement qualifié – qui, ensemble, offrent une expertise pluridisciplinaire innovante, allant de la biophysique membranaire à l’intervention sociale, en passant par la psychologie de la cognition. Depuis les quinze dernières années, le centre est en continuelle expansion physique avec plus de 100 millions de dollars investis au niveau de ses infrastructures, ce qui a permis la mise sur pied de nouveaux laboratoires de haut niveau ainsi que l’achat d’instruments scientifiques à la fine pointe de la technologie.

Le centre de recherche CERVO occupe présentement un espace totalisant 13 000 m2, ce qui correspond à l’ensemble de l’aile F du pavillon principal de l’Hôpital ainsi que diverses parties des ailes adjacentes. Cependant, ces espaces ne sont pas encore suffisants pour regrouper l’ensemble des activités de recherche et de clinique ayant cours présentement. Ainsi, très bientôt, le centre s’agrandira davantage en occupant un édifice situé à l’arrière du bâtiment principal et auquel il sera relié par un somptueux couloir qui sera pourvu d’une bibliothèque de livres anciens et d’un espace muséal retraçant l’histoire des neurosciences et de la psychiatrie, le tout conférant au Centre de recherche CERVO son image de marque et sa spécificité. Ces nouveaux espaces serviront à loger, entre autres, différents appareils d’imagerie par résonnance magnétique, certains devant servir à des travaux cliniques chez l’humain et d’autres à des études expérimentales chez l’animal, ainsi que diverses cliniques de médecine personnalisée. Leur aménagement a été rendu possible grâce aux subventions obtenues de divers organismes provinciaux et fédéraux suite au travail inlassable du nouveau directeur scientifique, Yves De Koninck, auprès des responsables de ces organisations.

Grâce à l’excellence de ses chercheurs ainsi qu’à son approche innovante, qui consiste, entre autres, à exploiter des techniques relevant de la physique, du génie, et de l'optique-photonique pour résoudre des problèmes de nature biologique, psychiatrique et clinique, le centre de recherche CERVO fait maintenant partie des chefs de file mondiaux de la recherche en neurosciences et santé mentale.

 

 

Chapitre 11: Le Centre thématique de recherche en neurosciences

En 2010, la direction scientifique du Centre de recherche sur le cerveau, le comportement et la neuropsychiatrie (CRCN, voir § 9), dont tous les membres œuvraient au CRULRG, remettait à la Commission de la recherche de l’Université Laval un rapport d’activité dans le cadre de l’évaluation périodique du CRCN par ladite Commission. Suite au dépôt de ce rapport, la Commission de la recherche, de concert avec le Vice-rectorat à la recherche et à la création (VRRC), entreprit une longue réflexion sur le devenir des centres universitaires œuvrant dans le secteur des sciences de la santé. De cette réflexion émana l’idée de créer des centres « inter-hospitaliers » à partir des centres déjà reconnus par le Conseil universitaire ; ces nouveaux centres thématiques regrouperaient alors les chercheurs dispersés sur divers campus du réseau de l’Université Laval travaillant dans un même domaine de la recherche en santé. La direction scientifique du CRCN accepta alors la mission de transformer ce qui était à l’origine un centre facultaire constitué essentiellement de 22 chercheurs du CRULRG en centre universitaire thématique de recherche en neurosciences qui regrouperait l’ensemble des chercheurs œuvrant dans le secteur des neurosciences à l’Université Laval.

De 2011 à 2016, le CRCN fut donc progressivement transformé en Centre thématique de recherche en neurosciences (CTRN), avec comme mission principale la promotion de la recherche et la formation de la relève en neurosciences dans le réseau de l’Université Laval. Cette transformation majeure été possible grâce à la collaboration active et intéressée des principaux intervenants du secteur des neurosciences de l’Université Laval, principalement Guy Drolet, alors Directeur de l’Axe neurosciences du Centre de recherche du CHUQ, Nicolas Dupré, neurologue et chercheur au Centre de recherche de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (Centre hospitalier affilié, CHA), Philip Jackson, chercheur au CIRRIS et au CRIUSMQ, ainsi que moi-même [André Parent] à titre de directeur-fondateur du CTRN.

Le CTRN, dont la direction scientifique est assumée, depuis 2016, par Laurent Bouyer du CIRRIS, est un centre universitaire qui regroupe aujourd’hui plus de 70 chercheurs travaillant dans différents secteurs du vaste domaine des neurosciences, incluant les neurosciences fondamentales, la neurologie, la neurochirurgie, la psychologie et la psychiatrie. Il se veut un lieu d’interactions et de collaborations actives entre ces chercheurs de sorte que leurs travaux de haut niveau mènent à une meilleure compréhension du fonctionnement normal du cerveau ainsi qu’au développement de thérapies efficaces pour contrer les maladies qui affectent cet organe complexe. L’importance de la contribution des cliniciens aux recherches ayant lieu au sein du CTRN a été reconnue par la nomination de certains d’entre eux au titre de chercheurs-cliniciens du Centre. C’est le cas, entre autres, des neurologues Emmanuelle Pourcher et Nicolas Dupré, des neurochirurgiens Léo Cantin et Michel Prud’Homme, et du neuropathologiste Stephan Saikali (Fig. 25).

    

Figure 25.  De gauche à droite : Emmanuelle Pourcher, Nicolas Dupré, Michel Prud’Homme, Léo Cantin et Stephan Saikali

Quoique que très diversifiés, les travaux de recherche des membres du CTRN peuvent être regroupés en cinq thèmes principaux, soit : (1) Vieillissement et maladies neurodégénératives, (2) Douleur et contrôle sensorimoteur, (3) Circuiterie et plasticité neuronale, (4) Stress et sommeil, et (5) Neurobiologie de la santé mentale.

  1. Vieillissement et maladies neurodégénératives. À l’Université Laval, la recherche en neurosciences sur le vieillissement et les maladies neurodégénératives est une force depuis plus de 40 ans. Aux chercheurs travaillant sur la maladie de Parkinson (voir § 4, 6 et 7) se sont ajoutés, au fil des ans, ceux intéressés par la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique, ainsi que par d’autres types de dégénérescence nerveuse reliée au vieillissement. Aujourd’hui, une trentaine d’équipes parmi les plus productives de l’Université étudient la génétique, la pathophysiologie et le suivi en neuroimagerie de ces maladies, ou travaillent à développer de nouvelles approches thérapeutiques. Ces axes de recherche bénéficient des travaux plus fondamentaux en neuroimmunologie et en biologie cellulaire et moléculaire. Plusieurs chercheurs œuvrant sous cette thématique exploitent différents modèles animaux de maladies neurodégénératives alors que d’autres évaluent les performances de patients souffrant de ces pathologies très incapacitantes afin d’en détecter les signes précoces et de développer des traitements efficaces. Chez l’humain, une attention particulière est portée à la neuropsychologie des troubles de l’humeur et des déficits cognitifs associés au vieillissement normal et pathologique.
  2. Douleur et contrôle sensorimoteur. Les chercheurs de ce regroupement utilisent des méthodes variées à la fine pointe de la technologie, depuis la biologie cellulaire et moléculaire appliquée à l’animal jusqu’à la génétique et la neuroimagerie chez l’humain, en passant par l’électromyographie, la robotique, la stimulation sensorielle et motrice (TMS), et la réalité virtuelle. Cette approche multimodale permet de comprendre les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la nociception ainsi que ceux impliqués dans le passage de la perception sensorielle à l’acte moteur. Les travaux portent principalement sur les mécanismes spinaux de la douleur chronique, les phénomènes de réadaptation et de plasticité neuronale associés à des lésions spinales entraînant des déficits locomoteurs, l’implication respective du cortex cérébral, du tronc cérébral et de la moelle épinière dans le contrôle de la motricité, l’impact de la douleur sur les représentations du corps et l’apprentissage moteur, le développement de thérapies cellulaires pour la dystrophie musculaire, la génétique des ataxies et des neuropathies héréditaires, l’analyse par imagerie cérébrale de la représentation de la douleur, et le vieillissement du système sensorimoteur du langage.
  3. Circuiterie et plasticité neuronale. L’étude des mécanismes cellulaires et moléculaires qui régulent le développement, le maintien et la réorganisation anatomique et fonctionnelle des réseaux neuronaux, tant dans des conditions normales que pathologiques, constitue le principal thème abordé par les chercheurs de ce regroupement. En plus d’utiliser des techniques qui permettent d’élucider les caractéristiques morphologiques, physiologiques et pharmacologiques des différents circuits neuronaux, les chercheurs développent et exploitent de nouvelles approches expérimentales reposant, entre autres, sur le génie tissulaire et l’optique/photonique. Les travaux des membres de ce regroupement portent notamment sur le remodelage synaptique impliqué dans l’apprentissage, la mémoire, le vieillissement et l’apparition de crises épileptiques ainsi que sur le développement et l’exploitation de sondes optiques permettant de visualiser, en temps réel, l’activité neuronale et d’évaluer la démyélinisation de la moelle épinière caractéristique de plusieurs pathologies. Ils étudient également le rôle de la neurogenèse postnatale dans la plasticité cérébrale, l’implication de différents gènes dans la régulation et le maintien des circuits neuronaux jouant un rôle dans le comportement psychomoteur et la dépendance aux drogues, les défectuosités génétiques des canaux ioniques, le rôle des cellules gliales et de l’inflammation dans l’établissement et le maintien de la circuiterie neuronale, la modélisation de la moelle épinière par génie tissulaire ainsi que la plasticité cérébrale humaine en condition normale et pathologique grâce à la neuroimagerie.
  4. Stress et sommeil. Le stress et les troubles du sommeil affectent significativement la qualité de vie de millions d’individus. Il est donc important de comprendre les mécanismes neuronaux qui sous-tendent ces phénomènes afin d’élaborer de nouvelles thérapies pour mieux gérer le stress et atténuer les dérèglements du cycle veille-sommeil. Des études effectuées autant chez l’animal que chez l’homme permettent d’aborder ces problématiques grâce à des approches méthodologiques telles que la neurochimie et la microcircuiterie neuronales, l’électrophysiologie, l’électrorétinographie, la stimulation cérébrale transcrânienne et les analyses comportementales. En ce qui a trait au stress, les chercheurs s’intéressent principalement à l’implication des endorphines dans la résilience, aux troubles respiratoires reliés au stress de la séparation maternelle chez le nouveau-né et à la surconsommation alimentaire induite par le stress. En ce qui concerne les troubles du sommeil, les études chez l’animal visent à élucider les bases physiologiques des états de conscience, alors que les travaux chez l’homme se concentrent sur les aspects épidémiologiques, étiologiques et thérapeutiques de l’insomnie, ainsi que sur l’adaptation au travail de nuit et la dépression saisonnière.
  5. Neurobiologie de la santé mentale. Les chercheurs regroupés sous cette thématique s’intéressent notamment à l’analyse moléculaire et aux signatures neurobiologiques, neurocognitives et génétiques d’individus ou familles affectés de maladies psychiatriques, incluant les troubles du spectre de l’autisme (TAS) et le trouble déficitaire de l’attention avec et sans hyperactivité (TDA/H). Ultimement, leur objectif est de prédire et détecter précocement les vulnérabilités, d’optimiser le diagnostic, l'efficacité des traitements et du médicament et, en finalité, les probabilités de guérison. Ce regroupement tombe sous le concept de neuromédecine de précision, lequel vise à améliorer la gestion du « patient » en identifiant les prédispositions à une maladie (interception précoce de la trajectoire de la pathologie), et ses réactions à un traitement donné (par ex., possibles effets secondaires d'un traitement chez tel patient plutôt qu’un autre). Elle requiert l’identification de marqueurs biologiques spécifiques à une pathologie donnée. La biologie moléculaire, la neurocognition, la génétique, la neurophotonique, l’électrorétinographie (ERG), l’électroencéphalographie (EEG) contribuent à l’identification de ces biosignatures. L’introduction de l’ensemble de ces outils améliore la capacité de personnaliser le traitement, ce qui est particulièrement pertinent en neuropsychiatrie où il n’existe à ce jour aucune mesure biologique d’efficacité des traitements.

Au cours des quatre dernières années, le CTRN a connu un développement remarquable et qui répondait en tous points aux exigences de la Commission de la recherche. En effet, le CTRN regroupe maintenant l’ensemble des forces vives de la recherche en neurosciences à Québec. Bien que la majorité des membres réguliers du CTRN provienne de deux pôles principaux, soit le Centre de recherche CERVO de l’IUSMQ et l’Axe de recherche en neurosciences du CHUL (CHU de Québec-CHUL), une proportion significative des neuroscientifiques du CTRN œuvre dans divers autres institutions du réseau de l’Université Laval, incluant l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (CHU de Québec-HEJ), l’Hôpital Saint-François d’Assise (CHU de Québec-HSFA), l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ – CIRRIS) et l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ). Malgré cet essor, le CTRN a encore plusieurs défis à relever s’il veut jouer pleinement son rôle et accomplir la mission pour laquelle il a été initialement créé.

L’un de ces principaux défis est de définir, en concertation avec les autorités universitaires et la direction des centres de recherche hospitaliers impliqués, la position que le CTRN devrait occuper au sein des processus décisionnels qui régissent le développement du secteur des neurosciences dans le réseau de l’Université Laval. En effet, lors de la création des centres thématiques de recherche en santé, la Commission de la recherche avait spécifié que l’un des rôles principaux de ces nouveaux regroupements était « de contribuer, de façon concertée, à l’élaboration des plans de recrutement de nouveaux chercheurs et des besoins en infrastructure majeure, et de les proposer aux instances décisionnelles que sont les facultés (et leurs départements) et les directions de centres de recherche hospitaliers ». Jusqu’à présent, la direction du CTRN n’a aucunement été consultée sur les questions relatives au développement de la recherche, aux besoins en infrastructures, ainsi qu’aux plans de recrutement de nouveaux chercheurs dans le domaine des neurosciences dans le réseau de l’Université Laval.  Cependant, je suis convaincu que la situation sera corrigée dans un avenir proche car le CTRN possède l’expertise nécessaire pour aider les autorités à faire les choix qui permettront au secteur des neurosciences de l’Université Laval de continuer de prospérer et même d’atteindre de nouveaux sommets.

 

Épilogue

Il s’est écoulé exactement cinq décennies entre le jour où j’ai décidé de m’intégrer à l’équipe de Louis J. Poirier à Québec pour y entreprendre des études de doctorat en neurobiologie et celui où s’achève l’écriture de ce texte. Ce court demi-siècle a vu le secteur des neurosciences québécois connaître un essor remarquable. Amorcé par une toute petite poignée de chercheurs il y a un demi-siècle, le domaine des neurosciences à Québec compte aujourd’hui plus d’une centaine de neuroscientifiques de haut niveau disséminés dans tout le réseau de l’Université Laval. Leurs activités occupent tous les principaux créneaux du très vaste domaine des sciences du cerveau, allant des aspects les plus fondamentaux du fonctionnement neuronal chez l’animal aux processus complexes qui sous-tendent la cognition humaine. On doit ce développement retentissant aux efforts constants de tous ces chercheurs qui, au cours des ans, sont venu apporter leur pierre à l’édifice. Mais, avant tout, nous sommes redevables à des individus singuliers, comme Claude Fortier, Louis J. Poirier, Mircea Steriade, Fernand Labrie et Michel Maziade, qui, en plus d’être des chercheurs productifs, possédaient un sens inné de l’organisation et du développement de la recherche. Je souhaite que ce texte soit reçu comme un humble hommage à ces développeurs de même que comme un incitatif à poursuivre de façon particulièrement énergique la merveilleuse odyssée qu’ils ont initiée.

 

 

 

Références

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Remerciements

Je tiens à remercier les personnes qui ont contribué à cette brève revue historique en me transmettant des informations particulières ou en portant à ma connaissance certaines images inédites. C’est le cas, entre autres, de Jean-Pierre Bouchard, neurologue de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus présentement à la retraite ; Frédéric Cantin, conseiller technique au Centre de recherche CERVO ; Léo Cantin, neurochirurgien à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus ; Gilles Charpenet, adjoint administratif au Centre de recherche CERVO ; Sylvine Corrondo Cottin, coordonnatrice scientifique au Département des sciences neurologiques de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus ; Michelle Dubuc, chef des communications au Fonds de la recherche du Québec ; Sonia Goulet, chercheure au Centre de recherche CERVO ; Claude Gravel, chercheur au Centre de recherche CERVO ; Susan Lamb, détentrice de la Chaire Jason A. Hannah sur l’histoire de la médecine à l’Université d’Ottawa ; Mélanie Nadeau du Service de l’audiovisuel de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus ; John O’kusky, professeur de neurosciences à l’Université de Colombie-Britannique ; Claude Rouillard, chercheur, membre de l’Axe de recherche en neurosciences du CHU de Québec (CHUL); Thérèse Tardif, secrétaire du Centre de recherche en neurobiologie au cours des années 1980; Julie Poupart, webmestre, pour son aide à la mise en page web.

Crédits photo:

La grande majorité des images récentes qui émaillent le texte relèvent du domaine public ; elles ont été tirées des sites web des différents chercheurs ou centres de recherche dont il est question dans le présent document. Par contre, les photos plus anciennes font partie de ma bibliothèque personnelle.

André Parent - Octobre 2017

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